Les mères porteuses et les couples qui font appel à elles au Québec évoluent dans un flou juridique à propos duquel bien des juristes ont leur interprétation. La Presse a demandé à deux d'entre eux de répondre à ses questions.

Me Doreen Brown a déjà représenté des parents d'enfants nés d'une mère porteuse dans leurs démarches d'adoption. Le nom de Me Brown est cité dans les documents distribués par Sylvie (voir autre texte), mais l'avocate précise ne pas connaître cette femme et ne pas être associée à elle d'aucune manière.

 

Alain Roy, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal, est un spécialiste du droit de la famille et du droit de l'enfant.

Q: Est-il légal d'être mère porteuse au Québec?

R: Au Canada, la Loi sur la procréation assistée stipule qu'il est interdit de rétribuer une mère porteuse, mais que ses dépenses peuvent être remboursées. Au Québec, le Code civil indique: «Toute convention par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue.» «Pour moi, dit Me Brown, le contrat n'est pas illégal, il n'existe simplement pas.» Un tribunal ne peut forcer aucune des parties à respecter un tel contrat. La mère porteuse peut décider de garder son bébé et le couple n'est pas tenu de lui verser de l'argent. «Mais est-ce qu'on a le droit de porter un enfant pour quelqu'un d'autre? C'est une zone grise.» Il n'y a pas de réponse simple, dit Alain Roy. «On considère que ce sont des choses qui sont contraires à l'ordre public, et on comprend les raisons du législateur québécois pour qui les fondements de la nullité absolue du contrat résident dans les risques d'instrumentalisation du corps des femmes.»

Q: Est-il légal de payer une mère porteuse?

R: «Si le contrat est gratuit, ce n'est pas un acte criminel», dit Alain Roy. La législation fédérale permet de rembourser les dépenses encourues par la mère porteuse. «En général, ce sont des petites sommes», dit M. Brown.

Q: Est-ce qu'un couple peut récupérer des sommes versées à une mère porteuse s'il n'y a pas eu de naissance?

R: «Selon moi, jamais», estime Me Brown, puisque le contrat n'existe pas aux yeux de la loi. Mais justement, dit Alain Roy, «cet argent a été donné sans base juridique. C'est un enrichissement sans cause. Je ne vois pas pourquoi le couple ne pourrait pas le récupérer».