La grossesse est une expérience positive pour une majorité de Canadiennes, révèle un rapport gouvernemental publié hier. Il y a pourtant des progrès à faire. Les interventions des hôpitaux devraient être mieux encadrées, tandis que les futures mamans gagneraient à être mieux informées, pour leur bien et celui de leur enfant.

Trop de césariennes non nécessaires, beaucoup d'anesthésies épidurales, du monitorage foetal électronique contre-indiqué: les accouchements deviennent de moins en moins naturels, indique un rapport inédit de l'Agence de santé publique du Canada, qui révèle aussi que les mères canadiennes allaitent en général moins longtemps que prescrit.

Si les femmes sont en général satisfaites des soins reçus et jugent positive leur expérience, elles gagneraient à être mieux informées sur plusieurs aspects de leur grossesse, leur accouchement et leur nouvelle vie avec bébé, souligne la toute première Enquête canadienne sur l'expérience de la maternité, réalisée auprès de plus de 6000 femmes entre octobre 2006 et janvier 2007.

«Nous avons tendance à faire trop d'interventions pendant le travail et l'accouchement, analyse la Dre Beverley Chalmers, coprésidente du groupe d'étude sur l'expérience de la maternité, à la lumière des données récoltées. Notre taux de césariennes est en hausse. Nous déclenchons, accélérons le travail et nous utilisons beaucoup l'épidurale.»

Or, le déclenchement du travail, de même que l'anesthésie, tendent à accroître le nombre de complications, d'accouchements par césarienne ou d'accouchements assistés de forceps ou de ventouse obstétricale, souligne le rapport.

Dans le tiers des accouchements en Europe, une anesthésie épidurale est pratiquée, alors que c'est le cas dans les deux tiers des cas au Canada, souligne la Dre Chalmers.

«Je pense qu'on devrait revenir à une approche plus naturelle, estime-t-elle. La technologie, c'est fantastique et c'est vraiment important quand les femmes en ont vraiment besoin. La question est combien de femmes ont besoin de tant d'interventions.»

Le problème, selon le rapport, réside beaucoup dans la position pendant le travail. La mère est souvent contrainte à rester couchée sur le dos par l'anesthésie ou par le monitorage foetal électronique, tout aussi déconseillé.

«Être immobile, sur le dos, c'est la pire position et ça augmente le risque de complications, explique la Dre Chalmers ; 48% de nos mamans passent leur travail sur le dos. Si on pouvait les faire marcher, les asseoir, les faire bouger, ce serait mieux pour le travail. Toutes ces choses vont accélérer le travail, réduire la douleur.»

Manque d'informations

Les futures mamans manquent d'informations sur les techniques pour calmer la douleur, constate le rapport. La même lacune se révèle au niveau de l'allaitement, dont les bienfaits sont nombreux.

Si 90 % des femmes prévoient allaiter, et qu'environ la même proportion commence à allaiter, rares sont celles qui nourrissent exclusivement leur bébé au sein jusqu'à six mois (14,4%), comme il est suggéré de le faire.

«Une des façons les plus rapides de faire échouer l'allaitement, c'est de donner au nouveau-né d'autres liquides, souligne la Dre Chalmers. Si tu remplis le bedon du bébé avec de l'eau ou du lait maternisé, il est rassasié lorsque vient le temps de téter, et la mère produira moins de lait.»

Or, l'enquête de l'Agence de la santé publique (ASPC) révèle que le quart des mamans qui allaitaient ont ajouté d'autres liquides à l'alimentation dans les deux semaines après la naissance. «C'est la recette parfaite pour un désastre», estime la spécialiste. Et c'est souvent à l'hôpital que cela se produit, constate-t-elle, alors les mamans ne doivent pas être blâmées.

«Nos lignes directrices au Canada sont les bonnes, mais c'est dans l'application que le bât blesse», conclut la Dre Chalmers. Il reste du travail d'éducation populaire à faire, selon elle, mais aussi d'encadrement des centres hospitaliers.

Des progrès

La vaste enquête, qui va de l'importance du poids santé de la maman jusqu'à la position du nourrisson pour dormir, indique aussi des progrès, comme dans la consommation d'alcool et de tabac.

Près des deux tiers des femmes (64,2%) ont consommé de l'alcool dans les mois précédant leur grossesse, contre 10,5% pendant la grossesse (et seulement 0,7% fréquemment). Une femme sur cinq fumait avant de tomber enceinte (22%) ; une sur dix (11%) a affirmé avoir fumé pendant la grossesse. Elles étaient 17,7 % en 2000-2001, selon les données de l'ASPC.

À l'opposé, la violence contre les femmes, même enceintes, est toujours présente, surtout dans les communautés éloignées: 11% des femmes ont subi un ou plusieurs actes de violence dans les deux ans entourant leur grossesse et leur accouchement.