Le discours n'est pas neuf. Mais allez savoir pourquoi, il peine à se faire entendre. Ou du moins, à se traduire par des changements concrets dans notre quotidien. Alors une fois pour toutes, chers parents, cessez de culpabiliser. Parce que la vie est trop courte, résume Debbie Travis, qui vient de publier un livre sur la question. Entretien avec notre Martha Stewart nationale.

C'était il y a deux semaines. Dans une librairie, quelque part dans les Prairies. Debbie Travis discute maternité, dans le cadre d'une tournée de promotion de son livre: Not Guilty, un énième ouvrage sur le thème de la culpabilité parentale.

 

Puis tout à coup, elle se tait. C'est qu'une mère, assise au premier rang, avec ses deux poupons, des jumeaux de six mois à peine couchés dans leur poussette, vient d'éclater en sanglots. De gros, gros sanglots.

«J'ai un terrible secret.» Le silence s'installe dans l'auditoire. «Je crois que j'aime un de mes enfants plus que l'autre.»

Ça n'est pas Debbie Travis qui lui répond, mais une autre mère, plus âgée, assise quelques rangées plus loin. En fait, elle éclate de rire: «Attends un peu, ma fille, tu vas voir, ça ne va pas durer. Ça va même changer, changer quotidiennement!»

«Cette jeune mère n'avait personne à qui parler! déplore l'auteure au bout du fil. Elle n'osait pas en parler à son conjoint, ni à ses amies, qu'elle ne voit plus de toute façon, parce qu'elle n'a plus le temps et qu'elles n'ont pas d'enfant.»

C'est exactement pour des mères comme celles-là qu'elle a écrit son livre: Not Guilty, My Guide to Working Hard, Raising Kids and Laughing Through the Chaos, aux éditions Random House Canada (elle espère une traduction française sous peu). «Parce que les réponses à ces interrogations-là, vous ne les trouverez pas dans les manuels pour parents. Ce qui manque cruellement dans tous ces bouquins, d'ailleurs, c'est l'humour!»

Ça n'est pas vraiment d'un autre bouquin sur l'art d'être un bon parent dont les mères ont besoin, mais d'une épaule, d'une oreille, croit Debbie Travis. Car n'est-ce pas comme cela que nos mères décompressaient? En lavant ensemble leur linge sale, et en se répétant: «mais oui, moi aussi!»

«Mais les mères aujourd'hui sont tellement à court de temps. Elles courent entre le bureau, l'école, et les activités parascolaires, elles n'ont plus le temps de s'asseoir pour jaser avec des amies!» D'où son livre, qui se veut non pas un livre de parentalité mais «une conversation».

 

Et pourquoi elle, madame décoration, écrit-elle sur la question? «Je n'ai aucun droit», reconnaît-elle. À part un. Celui d'avoir «survécu». «Je suis juste une mère qui travaille, une parmi tant d'autres, mais moi, j'ai passé la ligne d'arrivée, j'ai gagné la course.» Ses enfants ont grandi, ils sont partis. Et elle possède donc le recul nécessaire pour y voir enfin clair.Le recul, mais aussi l'humour. C'est ainsi qu'elle décrit la folie qui s'empare des mères (par ailleurs équilibrées, capables de se mettre à compter les petits pois dans les assiettes, en plein souper), leur obsession du plaisir (les enfants, c'est les vacances, il faut s'a-mu-ser!), ou de la perfection (si je pars cinq minutes, est-ce que la terre va arrêter de tourner?).

L'humour, croit-elle, est aussi essentiel à la survie des parents. «Tout ce qu'on fait pour eux, parfois c'est complètement fou. Il faut qu'on se calme un peu, et qu'on relaxe», répète-t-elle. Bien sûr, c'est plus facile à dire qu'à faire.

Mais s'il nous manque de temps, peut-être que certaines activités peuvent être rayées du calendrier. Certaines activités organisées, s'entend. Pas le temps passé en famille, avec les enfants. Celui-là, dit-elle, il nous file entre les doigts. Alors saisissons-le au vol.

«Si vous êtes au parc, éteignez votre BlackBerry, résume l'auteure Debbie Travis. Parce que vos enfants le voient, ils sentent que vous n'êtes pas là. Ces courriels peuvent attendre. Vos enfants, eux, ne vous attendront pas.»