Entre une séance de «clubbing» dans un lieu où la musique fait boum-boum et un souper intime entre amis, bercé par des airs de Feist et Joni Mitchell, vous préférez nettement la seconde option? Vous ne ressentez pas le besoin de partager vos états d'âme via Twitter et Facebook? Votre idée d'un dimanche relaxant est davantage une immersion dans un bon roman plutôt qu'une activité sociale exaltante?

L'époque actuelle n'est peut-être pas la plus accueillante pour votre nature profonde. Mais ceux qui ont perçu votre préférence pour le calme et l'introspection, votre aversion pour le bruit et les opinions à l'emporte-pièce, et votre terreur de parler devant un public pour un déficit d'habiletés sociales sont peut-être dans l'errance. Du moins, c'est ce que pense Susan Cain, l'auteur du récent ouvrage Quiet: The Power of Introverts in a World That Can't Stop Talking.

Cain, ex-avocate qui a défendu des clients comme JP Morgan et General Electric, se décrit sur son site web comme une personne qui «préfère écouter que parler, lire que socialiser». Selon elle, vous appartenez peut-être au clan des «introvertis». Et ce n'est pas une maladie honteuse. D'ailleurs, vous êtes en bonne compagnie: Gandhi, Joe DiMaggio, mère Teresa, Bill Gates font tous partie de ce club qui, avec peu d'esbroufe et de débordements, ont fait avancer le monde.

Selon celle qui partage sa vie avec un extraverti - la preuve que les contraires s'attirent -, notre monde serait peuplé de «faux extravertis» qui ont nié leur nature profonde pour s'adapter à un univers où, depuis les années 50 et 60, le culte du vendeur et de la personnalité publique a pris son envol. «L'idéal de l'extraverti s'est matérialisé au tournant du XXe siècle, avec l'ascension du monde industriel. Les gens migraient alors vers les villes et ont eu besoin de faire leurs preuves dans les entrevues d'embauches et les «pitchsde vente»», dit Susan Cain. Par la suite, il y a eu l'ère de la motivation personnelle, le culte des stars, les confessions publiques sur les talk-shows, la téléréalité, les réseaux sociaux...

De l'avis de Mme Cain, être introverti n'est pas synonyme d'incapacité sociale ou même de timidité. L'introverti aime les contacts sociaux. Seulement, il est plus à son aise dans une soirée relaxe entre amis que dans un vernissage peuplé d'inconnus. «La timidité, par ailleurs, est la crainte du jugement négatif des autres. Ainsi, vous pouvez être introverti sans éprouver cette crainte, et aussi être à la fois timide et extraverti», théorise Susan Cain.

Susan Cain décrit notre époque de médias sociaux comme un monde où culmine «la pression de divertir et de se vendre». Comment retrouver son essence d'introverti dans un monde où pullulent les exigences sociales? L'auteure suggère d'imiter les femmes de l'époque victorienne, qui avaient l'habitude de prendre des moments de tranquillité en après-midi, entre deux engagements sociaux. «C'est quelque chose dont tout le monde a besoin, même les personnes extraverties. Nous vivons dans une société qui tient en haute estime la personne très active et nous nous sentons coupables de nos moments de répit. Je crois que si les textos sont si populaires, c'est parce qu'ils nous permettent de rester en contact sans être présents.»

L'introverti serait-il à la veille de faire son grand retour? Susan Cain perçoit certains signes de changement, notamment à travers la popularité du yoga, de la méditation et d'un retour vers la simplicité. «Il y a une tendance qui prend forme et nous allons de plus en plus en entendre parler», dit-elle convaincue.

Pendant que tout le monde se jette dans les bains de foule, vous n'avez qu'une envie: rester à la maison et revoir un film sur Gandhi? Vous n'êtes ni bizarre ni asocial. Peut-être êtes-vous seulement un peu en avance sur votre temps.