Cacher son âge est-il une simple coquetterie ou un droit fondamental qui impose le respect absolu? Le monde du showbiz américain a récemment été aux prises avec cette contemporaine question, avec le cas d'une actrice qui, sur une base anonyme, a poursuivi IMDbPro, un site consacré au cinéma, pour avoir écrit sans sa permission qu'elle était née en 1971 et qu'elle avait donc 40 ans.

Lorsque cette affaire est sortie au grand jour, certains sites comme Gawker.com ont lancé des paris invitant leurs lecteurs à deviner qui était l'actrice mystère. Les seules informations diffusées concernant la plaignante étaient qu'il s'agit d'une Américaine d'origine asiatique ayant grandi au Texas et qui utilise une version américanisée de son nom.

Personne n'a deviné son identité. Mais quand un juge a menacé d'abandonner l'affaire si elle refusait de renoncer à son anonymat, l'actrice a dû faire son coming out identitaire. Et pour les amateurs de potins, la déception a été amère. Junie Hoang, née Huong Hoang, n'a pas exactement le curriculum vitae d'Angelina Jolie, avec à son actif des rôles mineurs dans des émissions de télé, une carrière de mannequin et des rôles dans des films mineurs comme Gingerdead Man III: Saturday Night Cleaver.

Il serait trop facile d'accuser Mme Hoang d'orgueil démesuré. Dans une industrie où les actrices de plus de 40 ans ne tiennent que 12,5% des rôles au cinéma et en télévision, garder le secret de son âge est une affaire d'employabilité (sur son CV, Junie Hoang dit pouvoir jouer des rôles de 26 à 33 ans).

«Quand une femme atteint le cap de la quarantaine, elle devient invisible», ai-je entendu il y a quelques années, de la bouche d'une infirmière à la retraite qui était pourtant l'image même de la sérénité heureuse que l'on associe au «bel âge».

Une amie photographe et globe-trotter, qui s'est promenée seule dans des pays où la culture n'est pas toujours des plus indulgentes avec les femmes, m'a révélé un jour une confession aussi honnête que désarmante. «Tu sais, je suis contente de ne pas être une beauté fatale: comme ça, avec les bons vêtements, je peux devenir invisible quand ça m'arrange et me transformer en «pitoune» si l'envie m'en prend.»

Vieillir dans la grâce? Beau programme en perspective. Bien sûr, il y a ici le magazine Vita qui, armé de nobles intentions, présente chaque mois une personnalité publique féminine ayant atteint le cap fatidique de la quarantaine qui, au contraire de Junie Hoang, affirme être accomplie, bien dans sa peau, zen, super heureuse, VRAIMENT!

«Depuis les débuts de Vita, il y a juste Lise Dion qui a osé dire qu'elle trouvait ça difficile de vieillir», m'a fait remarquer une collègue qui, comme moi, était agacée par le ton de ce magazine qui «célèbre» la quarantaine avec un peu trop d'insistance. Et de retouches photo.

Mais, apparemment, il y a aussi des raisons de se réjouir du temps qui avance et de la gravité qui frappe. Un article récent dans le magazine Perspectives on Psychological Science a révélé que plus les gens avancent en âge, plus ils sont heureux. Une des hypothèses est que la perte des facultés cognitives qui vient avec le vieillissement oblige les gens à se concentrer sur des pensées plus simples et heureuses.

Déprimant? Pas quand on regarde l'incroyable Betty White qui, lundi dernier, a célébré au réseau NBC ses 90 printemps. Symbole de longévité heureuse, ni invisible ni liftée, la «Golden Girl», avec son look de grand-mère assumé, donne presque envie de vieillir. Presque.