Une ex-employée d'Air Canada interviewée pour le dossier d'aujourd'hui sur l'époque révolue des hôtesses de l'air parfaitement manucurée et coiffée, habillée par Michel Robichaud, relate avec une certaine fierté la «belle époque» où caviar et truite fumée étaient servis en première classe.

«Je suis partie à temps, avant que l'on commence à vendre de la bouffe sur les vols. Passer du caviar aux ailes de poulet, je ne pouvais tout simplement pas», a déclaré la dame qui, à l'instar d'autres ex-hôtesses, se remémoraient avec nostalgie l'ère «Pan Am» enrobée de glamour, d'exclusivité et d'une certaine noblesse associés au transport aérien.

Si l'époque incroyablement sexiste de la pesée obligatoire des hôtesses de l'air, de la gaine, de la limite d'âge de 35 ans, passe pour «le bon vieux temps», c'est peut-être que le progrès de l'aviation n'a pas rempli ses promesses. Les agents de bord d'aujourd'hui, nous a rappelé le récent conflit de travail à Air Canada, subissent les escales courtes, la mauvaise humeur des passagers pressés, et ce, en contre-partie de salaires qui n'ont rien d'excitant (un maximum de 46 000$ par année.)

Plus on avance, plus on progresse, moins on est heureux et même digne de notre humanité? (Ou, pour citer un ancien collègue souffrant de calvitie, «Quand la civilisation avance, la forêt recule...»)

Mathieu Roy, réalisateur du film Surviving Progress, s'est penché sur le rapport entre progrès et bonheur en sondant plusieurs être éclairés de notre ère, de Jane Goodall à Stephen Hawkins, de David Suzuki à Margaret Atwood. La suggestion de Georges Lucas pour sauver l'humanité? Coloniser une autre planète et repartir à zéro.

Inspiré du succès en librairie A Short History of Progress, ce documentaire pas très jojo produit par Denise Robert et Daniel Louis expose ce que l'on savait déjà: tous les formidables progrès technologiques de notre temps pourraient mener à la perdition (voire à l'extinction) de l'humanité. Le piège du progrès va comme suit: la soif de connaissances, d'argent, de vitesse, de consommation et d'avancement technologique de l'humain, est la cause même de la dégradation de l'environnement, de la corruption politique, de la débâcle économique.

De l'avidité de consommation de la nouvelle classe aisée chinoise à la destruction de la forêt amazonienne, A Short History of Progress ratisse large, mais part d'un postulat assez simple: le cerveau humain est programmé pour chercher des réponses. En d'autres termes, la quête de progrès est inscrite dans notre ADN. Pour démontrer cette hypothèse, le film débute par une comparaison entre le cerveau d'un homo sapiens et celui d'un babouin. À priori, rien ne les distingue, mis à part un petit détail: le réflexe humain de poser la question «pourquoi?», quand il est confronté à l'inconnu. Et c'est là que l'histoire du progrès a commencé...

Il y a quelques jours, nous apprenions que la planète était désormais peuplée par 7 milliards d'êtres humains qui, tous, aspirent à leur juste part de bonheur, de richesse, au droit de posséder une voiture et de voyager partout en «low cost». L'avenir sera-t-il fait d'ailes de poulet pour une majorité de gens ou de caviar pour une poignée de survivants de la première classe, partie coloniser l'espace? Et si le véritable progrès était de renoncer à nos réflexes autodestructeurs et, parfois, de choisir la forêt avant la civilisation?