Mardi dernier, à Laval, dans une salle pleine à craquer d'un nouveau pavillon de l'Université de Montréal, un public attentif écoute les réflexions de la psychologue Rose-Marie Charest sur un sujet intemporel et universel: «Les sources du bonheur».

«Pendant mes années d'études, le domaine de la psychologie étudiait surtout le malheur et la souffrance. Les recherches sur la psychologie positive du bonheur étaient quasi inexistantes. Comme si la souffrance allait de pair avec une certaine dignité intellectuelle», a évoqué Mme Charest, qui devant l'auditoire d'âge mûr, touche la question de l'épanouissement humain sous plusieurs angles, évoquant tantôt les recherches universitaires sur le bonheur, l'importance des projets comme moteur de l'existence ou encore le symbole des «poupées russes» pour illustrer les diverses «couches» d'un être humain.

Ni la jeunesse, ni la beauté, ni la richesse ne sont synonymes de bonheur, a fait valoir la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, qui a aussi rappelé que plus que la destination, c'est le voyage qui est intéressant. «Plus on avance dans la vie, plus la question qui s'impose est «Qu'est-ce que j'ai? Qu'est-ce qu'il me reste?»»

Cultiver le bonheur, donc, vient avec la capacité de se projeter dans l'avenir et d'éprouver de la gratitude pour ce qu'on a. Et oubliez les relents judéo-chrétiens qui associent «culpabilité et sacrifice» au don de soi, à ses enfants et à l'humanité. «Le plus beau cadeau que l'on peut donner à ses enfants, c'est de montrer qu'un adulte peut être heureux.»

Et si, à cela, on ajoutait le courage d'aller chialer à qui de droit, quand l'avenir est gris et le présent, brun-beige?

C'est ce que prône l'auteur Guy Winch, auteur de L'art de se plaindre et de se faire entendre. En quelque 275 pages, ce psychologue élabore une «méthode» simple et directe, mais qui ne va pas de soi: oser protester, exiger un remboursement, émettre des reproches avec doigté...

«Dans The Progress Paradox, Gregg Easterbrook affirme qu'au cours du dernier siècle, l'amélioration de nos conditions de vie et de notre confort a conduit beaucoup d'individus à devenir moins heureux. Nos attentes se sont sensiblement élevées, ce qui nous a fourni davantage d'occasions d'éprouver de la déception ou de la frustration, et conséquemment de nous en plaindre», écrit Winch.

La complainte dans l'action positive? Pourquoi pas. Pour démontrer que le fait de se plaindre ne fera pas de vous un rabat-joie pessimiste et détestable, Guy Winch fait mention des «Complaint Choirs», ces groupes de chorales nées à Birmingham en Angleterre, qui réunissent des gens qui chantent (avec joie et humour) tout ce qui les irrite, les agresse, les exaspère...

Aux nouvelles, mercredi dernier, un journaliste décrivait l'ambiance dans le rassemblement des «Indignés de Wall Street» comme «festive et amusante». C'est peut-être la meilleure façon de se faire entendre, quand la réalité est décevante, que les perspectives d'avenir ne sont guères plus encourageantes: ne pas abdiquer, refuser d'être un sacrifice humain et se plaindre en chantant.

Bonne Action de grâce, fête de la gratitude et de l'abondance!