Si nous avions vécu au Moyen Âge, nous aurions potentiellement toutes été traquées, torturées, voire brûlées. Pourquoi? Parce que nous aurions été accusées de sorcellerie, pardi! Une exposition originale, un brin ésotérique, fait le point.

Étaient en effet considérées comme sorcières (permettez ici l'usage du féminin puisque 80% des «sorciers» étaient en fait des «sorcières») les femmes qui avaient les cheveux roux, une tache de naissance, pesaient moins de 50 kg, étaient séduisantes, sages-femmes, éprises de liberté, guérisseuses, païennes, célibataires, artistes, pauvres ou adeptes de «positions sexuelles animales»(!).

Du coup, en Europe, pas moins de 50 000 femmes ont ainsi été exécutées (le plus souvent brûlées, pour se débarrasser de leur âme ensorcelée). Dans certaines villes, on en brûlait carrément deux par jour.

C'est ce qui ressort de l'exposition Le diable au corps, présentée (Halloween oblige) au Musée de la femme de Longueuil.

«J'aurais été une bonne candidate au bûcher. J'ai une tache de naissance, lance en riant la directrice du musée, Lydie Olga Ntap. Nous aurions toutes été condamnées au bûcher!»

Mais l'expo n'est pas qu'historique. «En 2008, 15 sorcières ont été exécutées au Kenya. En 2010, il y a aussi eu des exécutions au Sénégal, poursuit-elle. Au Burkina Faso, j'ai déjà visité une maison pour femmes accusées de sorcellerie. Cela existe encore!»

C'est en 1487, avec la publication du Malleus Maleficarum (ou Marteau des sorcières), un texte de deux dominicains allemands, que sont pour la première fois clairement définies les caractéristiques maléfiques des sorcières. «Ce sont des femmes qu'on juge menaçantes. On ne veut pas qu'elles aient trop de pouvoir. C'est finalement une conception très patriarcale du monde», analyse Lydie Olga Ntap.

Dans un décor sombre et mystérieux (on se croirait dans une forêt), le visiteur découvre le triste sort réservé à ces femmes: déshabillées, rasées (pour empêcher la dissimulation de talismans), attachées puis jetées à l'eau (coupables si elles flottaient, innocentes si elles coulaient), elles étaient ensuite torturées à mort (on vous épargne les détails), à tel point qu'elles finissaient par avouer n'importe quoi. Ces pratiques barbares n'ont pris fin que vers 1600.

Et ici? «Ici, on avait besoin de ces femmes. Elles s'occupaient des naissances, soignaient. Ici, il n'y a pas eu de chasse aux sorcières.»

Seule une femme a été élevée au rang de sorcière dans l'imaginaire populaire: Marie-Josephte Corriveau (dite la Corriveau), accusée en 1763 d'avoir tué ses deux maris, a été pendue. Ses derniers mots («Je me vengerai!») ont nourri bien des légendes. Il faut dire que son cadavre a été exposé dans une cage. Plusieurs passants ont juré avoir entendu des cris qui en émanaient, tard dans la nuit. La cage a finalement été décrochée, perdue pendant des années, puis vendue à un cirque américain. Son unique reproduction est présentée ici, dans un coin sombre de l'exposition.

Voilà pour l'histoire. Mais aujourd'hui? Qu'en est-il des sorcières? «De plus en plus, au Québec, on pratique la Wicca, un rite païen - une sorte de sorcellerie moderne», affirme Lydie Olga Ntap. Et c'est là que la visite prend une tournure un peu ésotérique, avec des peintures de l'artiste Crystal Racine (qui dit peindre dans «un état second, en transe») et une visite guidée avec la sorcière Aladys (son grimoire est rempli de recettes de potions, de formules et autres incantations). Lors du vernissage, un sorcier, adepte de magie traditionnelle, a même animé une petite cérémonie. Plusieurs jeudis et samedis, on propose aussi différentes conférences, tant sur le nettoyage énergétique que sur le tarot ou encore la méditation. «Les sorcières seraient-elles de retour?» interroge l'exposition. Au visiteur de répondre.

Le diable au corps Musée de la femme de Longueuil

Jusqu'au 18 février 2011. Jeudi, à 19h, visite guidée avec la sorcière Aladys. Conférences les jeudis ou samedis, à 19h Info: www.museedelafemme.qc.ca