Dès la fonte des neiges, alors que les outardes reviennent du Sud, on peut voir les coureurs québécois sortir en bloc de leur tanière. Ils prennent d'assaut les sentiers des parcs, les routes de campagne et même les rues du centre-ville. On dit que, ce printemps, ils n'ont jamais été aussi nombreux. Êtes-vous du groupe?

«On vit actuellement une espèce de recrudescence. La course à pied s'est démocratisée. On ne court plus seulement pour la performance, mais avant tout pour se mettre en forme», affirme Stéphane Lachapelle, président du Club des coureurs sur route du mont Saint-Bruno. Il se souvient du temps, pas si lointain, où les coureurs étaient l'objet de moqueries. «On nous voyait comme des extraterrestres.» Plus maintenant.

On estime qu'un Québécois sur quatre, chez les 15 ans et plus, court au moins une fois par année, selon l'Enquête québécoise sur les activités physiques, sportives et de loisir publiée en décembre 2006. Parmi ceux-ci, 75% pratiquent la course à pied de façon régulière. Elle compte parmi les 10 activités physiques les plus populaires, la marche et le vélo venant en tête.

«La course à pied est accessible et peu coûteuse. On n'a qu'à acheter une bonne paire de souliers. La dépense calorique est grande et les effets de l'entraînement sont rapides. Si on part de zéro, on peut ressentir des bienfaits en six semaines à peine», explique François Lecot, entraîneur de course et professeur invité en kinésiologie à l'Université de Montréal.

Au Marathon Oasis de Montréal, le nombre de coureurs inscrits augmente de 30% par année depuis 2003. L'an dernier, 9800 coureurs ont sillonné les rues de la métropole lors de cette manifestation qui propose des courses de 5 km, 10 km, 21,1 km et 42,2 km. «Si la tendance se maintient, on prévoit accueillir 13 000 coureurs en septembre», se réjouit le président Bernard Arsenault. «Cet engouement est perceptible partout sur la planète. L'an passé, nous avons reçu des coureurs amateurs de 29 pays.»

La popularité de la course à pied se fait sentir dans les boutiques spécialisées: le rayon de chaussures est toujours bondé! «Si l'on se fie à nos chiffres de vente, la croissance n'a jamais été aussi importante que ce printemps. Il s'est passé quelque chose, mais quoi?» s'interroge Gilles Labre, fondateur de la Boutique Courir, ouverte en 1981. Les ventes ont grimpé de 20% par rapport aux années passées. «C'est énorme pour une boutique qui roule depuis longtemps.»

La gent féminine y est pour quelque chose, notent les gens du milieu. «Il y a de plus en plus de femmes qui courent, note François Lecot. C'est le cas en Ontario depuis quelques années. Le phénomène atteint enfin le Québec. Les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à participer aux courses. Elles sont même majoritaires sur courte distance.»

Le marathon demeure toutefois affaire d'hommes. «Parce que les femmes, encore aujourd'hui, s'occupent davantage des enfants et des tâches ménagères. Elles ont moins de temps pour l'entraînement», suppose François Ducot.

Selon le calendrier de Courir.org, pas moins de 175 courses sont organisées en 2009 en sol québécois. Du jamais vu. «Ça fait boule de neige. La compétition devient accessible à tous, indique Bernard Arsenault, du Marathon Oasis de Montréal. Avant, il n'y avait rien d'autre que des marathons. La course, au chapitre des manifestations de masse, était réservée à l'élite.» Même les jeunes enfants sont dans le coup. Le petit marathon de Radio-Canada (1 km) a fait des petits partout en province. «La relève est là», assure M. Arsenault.

Une mode passagère? On ne sait pas. «Après le boom des années 80, il y a eu un creux dans les années 90, rappelle François Lecot. La différence aujourd'hui, c'est que la perspective de l'activité physique en général a changé; les gens sont davantage préoccupés par leur santé. Les gouvernements et les entreprises aussi. Ça profitera peut-être à la course à long terme.»

«Parce qu'on s'entraîne mieux et que les chaussures sont meilleures, on peut courir durant de nombreuses années. Ça devient un mode de vie», note Stéphane Lachapelle. «On court désormais pour le plaisir, en couple, en famille, entre amis, ajoute Bernard Arsenault. On court aussi pour voyager. Les coureurs se font globe-trotters. Courir uniquement pour le chrono, c'est terminé.»