Partir en vacances et avoir l'envie irrésistible de tout larguer... Sébastien Langelier n'est certainement pas le premier à qui l'idée est passée par la tête. La différence, c'est que lui, il l'a fait.

«J'ai appelé mon boss la journée où je devais revenir du Panamá et je lui ai demandé de prolonger mon congé de Noël. Il m'a dit: "Pas de problème, appelle-moi quand tu voudras revenir". Je n'y suis jamais retourné. J'ai encore les clés du bureau!»

L'anecdote frappe l'imaginaire. Même si, quand on le regarde aujourd'hui - barbe négligée, cheveux longs décolorés par le soleil et l'eau salée -, il ne fait aucun doute qu'il s'est parfaitement intégré au mode de vie beach bum, Sébastien avait un sacré vertige lorsqu'il a regardé la réalité en face, ce jour de 2013, et qu'il a compris que son bonheur était ailleurs.

L'incitatif

Fin du mois de janvier 2017: l'entrepreneur de 32 ans attend un groupe inscrit à son camp de surf au Nicaragua. L'époque où il vendait des condos au centre-ville de Montréal, quelques années plus tôt, ne lui manque pas le moins du monde. Cette vie qui lui était dictée par la société à sa sortie de HEC, alors qu'il était nouvellement diplômé en marketing et en management, était aux antipodes des envies d'aventures, de découvertes et d'entrepreneuriat du jeune bourlingueur qu'il était.

«J'étais vendeur de condos, et j'avais quasiment honte. Je disais aux gens que j'étais un voyageur et que je travaillais en attendant pour gagner de l'argent. Mais mon truc temporaire était en train de devenir ma réalité, ma vie», se rappelle Sébastien.

«J'étais super depress, j'avais fait deux commotions cérébrales, j'avais laissé ma blonde des six dernières années, j'avais 28 ans et j'étais super malheureux.»

Les ambitions

Assis derrière un bureau des ventes d'un projet immobilier prestigieux, le jeune homme rêvait à l'océan. Les surfeurs disent qu'il y a toujours UNE vague qui les accroche à jamais. Pour Sébastien, elle est venue à lui en 2007. Ce jour-là, après avoir galéré durant plus de deux heures pour traverser le mur de vagues au large de Biarritz, sur la côte basque, il a surfé sur LA sienne, la plus grisante et enivrante. Celle qui allait devenir la locomotive de son avenir.

«Je voulais juste repartir. Puis, j'ai eu un super bon job en immobilier et quand j'ai voulu partir, ils m'ont offert presque le double de mon salaire. Finalement, j'ai fait le contrat de un an et demi. Après, j'ai voyagé, puis j'ai repris un contrat à mon retour à Montréal», raconte-t-il.

La décision

Les mois passaient. Dans son complet-cravate et ses chaussures cirées, Sébastien déprimait. Mais il livrait de bonnes performances. Il était un vendeur hors pair, et son patron appréciait son poulain, qui le questionnait sans cesse sur les rouages du monde des affaires. Puis, lesdites vacances des Fêtes sont arrivées.

«Mon boss m'a dit: "Pour être honnête avec toi, je ne pense pas que tu vas revenir après Noël. Tu perds ton temps ici, tu as plus de potentiel que ça"», se souvient Sébastien, qui venait de recevoir la tape dans le dos dont il avait besoin. «C'est dur de se convaincre soi-même. Mais si mon patron millionnaire me disait que je perdais mon temps, il devait savoir de quoi il parlait.»

Photo fournie par Sébastien Langelier

La transition

Comme il était célibataire et sans enfant, il sentait que c'était le moment de se lancer. Ont alors commencé des années d'essais-erreurs, de vertiges, de réussites et de rencontres décisives pour la suite.

«Toutes les jobs que je voyais avant sur internet et que je ne "pouvais" pas faire, tu sais, les jobs trippantes, mais pas payantes, eh bien, je les ai faites. Comme être guide de surf sur une île privée», raconte le jeune homme, qui savourait sa nouvelle liberté.

Mais, immanquablement, l'idée de fonder une retraite de surf lui revenait sans cesse à l'esprit. Avec un partenaire rencontré au Panamá, il a mis sur pied un projet sur un catamaran pour surfeurs aguerris. L'idée était bonne, mais la cible l'était moins, les débutants étant beaucoup plus nombreux à courir ce genre de voyage organisé que les surfeurs expérimentés. Il fallait bonifier l'offre autrement.

La nouvelle vie

L'entrepreneur croyait en son projet et était persuadé qu'il avait désormais les ressources et les contacts nécessaires pour fonder une école de surf sur le continent.

«J'avais été instructeur de snowboard dans l'Ouest, et on amenait le monde à différentes montagnes selon les conditions. Une école nomade, finalement. J'ai décidé de recréer un concept semblable, avec le surf, pour les débutants», raconte-t-il.

Photo André Laurence, fournie par Sébastien Langelier

C'était le début de Surf Expedition, des camps de surf qui, selon le moment de l'année, se tiendraient tantôt au Nicaragua, tantôt au Costa Rica, tantôt au large du Panamá.

«Je suis arrivé 6000 ou 7000 $ déficitaire après mon premier camp. Mais je voulais des photos pour pouvoir bâtir un site internet, et là, j'en avais», raconte-t-il, encore enthousiasmé par les débuts de son entreprise, qui offre aujourd'hui une dizaine de voyages de surf par année.

Le futur

Les projets continuent: l'entrepreneur vient d'acheter un terrain au Costa Rica. Fini la location, il possédera désormais son propre endroit en bord de mer pour y tenir ses retraites. Cela ne veut pas dire qu'il a l'intention de se poser. Le voyageur a encore des rêves plein la tête: travailler moins et surfer plus souvent, vivre à Hawaii, accorder plus de temps à la musique...

Revenir vivre au Québec est loin dans la liste. Il ne regrette pas la vie de citadin qu'il a laissée derrière lui, il y a quatre ans. Mais si le décor de son «bureau» est certainement plus enchanteur, l'homme d'affaires ne travaille pas moins qu'à l'époque, au contraire. La différence, c'est qu'il a aujourd'hui le coeur à l'ouvrage, dans le vrai sens du terme.

«Le système nous met de la pression pour qu'on devienne riche et qu'on ait du succès, mais il faut juste que tu te donnes la chance d'être là où tu n'as plus un boulet qui te retient de vivre tes expériences. Je ne sais pas ce que me réserve l'avenir, mais je sais que je suis déjà plus proche de mon coeur.»

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Visitez le site de Surf Expedition: https://surfexpedition.com/fr/

Photo fournie par Sébastien Langelier