Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le tabac qui va enfin nous garantir de l'air propre au restaurant, Tapeo perdra son principal défaut, celui de permettre de fumer au bar. Quand ça sera fini, il faudra chercher très très fort pour trouver de quoi rouspéter au sujet de ce restaurant de quartier tout simple, mais réconfortant, qui propose à des prix raisonnables une cuisine remplie de chaudes saveurs ibériques.

Installé dans Villeray, un peu au nord de Jean-Talon et à l'est de Saint-Laurent, ce restaurant d'inspiration espagnole était déjà bon et sympathique quand il a ouvert il y a deux ans. Ce qui est rassurant, c'est que l'établissement lancé à l'époque par deux anciens du Ferreira (un d'origine portugaise, l'autre espagnole) tient solidement la route en proposant jour après jour des plats préparés avec soin et de la bonne matière première.

La formule est simple: on offre toutes sortes de petites assiettes à partager, ce que les Espagnols appellent raciones et qu'on connaît mieux ici sous le nom de tapas. Car en Espagne, m'a-t-on rappelé lors d'un passage récent, les tapas ce sont plutôt de très minuscules assiettes (olives, pistaches, morceaux de jambon) que l'on sert à la personne qui prend d'abord et avant tout un verre.

Voyage gastronomique

Chez Tapeo, les plats- calmars frits, morceaux de chorizo, crevettes à la plancha, champignons farcis, tomates en grappe, escargots- se comparent la tête haute à ce que j'ai mangé en me promenant récemment dans les restos-bars de tous les jours de Madrid. À part peut-être pour les gambas à la plancha, qu'on mange debout chez El Abuelo (près de la Puerta del Sol) en suçant le jus de la tête et en jetant la carapace à terre...

Chez Tapeo, on est assis à table, dans un décor qu'on oublie tellement il est simple (bon point pour les serviettes en tissu), et on commande toutes sortes de choses pour toute la table.

Tout de suite on apporte des frites allumettes extrêmement délicates, que les enfants engloutiront en quelques secondes. Une chance qu'il y a des olives aux herbes résolument charnues pour leurs parents.

Les plats arrivent ensuite à la queue leu leu. Une tortilla de patatas (omelette aux pommes de terre revenues dans l'huile d'olive) a les notes fumées du chorizo et est coiffée d'un concassé de tomates fraîches. Les calmars frits- cuits à la perfection- sont accompagnés d'un aïoli fin et goûteux qui a la grande qualité de ne pas être démesurément aillé. Les ailes de poulet arrivent quant à elles frites dans une panure très croustillante et adoucie au miel, et plaisent encore plus aux parents qu'aux enfants. Tout comme les pétoncles, que l'on présente avec à la fois des lardons et de la gelée de coings.

Les crevettes à la plancha, donc sautées dans un peu d'huile et avec du gros sel, conservent leur côté un peu sucré et vanillé, et les tomates en grappe, confites dans l'huile d'olive et servies avec du chèvre, font partie de ces plats dont on se rappelle des mois plus tard.

Le chorizo, aucunement sec et bien imprégné du goût du paprika, fond dans la bouche et s'impose à côté des escargots qui, même s'ils sont bien préparés dans une sauce au vinaigre de xérès avec un peu de chorizo et du fromage Mahon, n'ont de toute évidence pas brouté le romarin catalan qui leur donne un si joli goût en Espagne...

Pour le dessert, la liste des possibilités est mince mais on choisit les churros, ces beignets longs et étoilés que les Espagnols mangent pour le goûter ou le petit-déjeuner, trempés dans une tasse de chocolat épais comme de la sauce.

Comme ils sont très fins, plus fins que ce que l'on voit en Espagne d'habitude, ils sont plus croustillants et c'est très bien. Et en plus, on les a saupoudrés de sucre. Le chocolat au lait, lui, est onctueux et nappe bien les cannelures de la pâtisserie. Et il n'a rien à envier à ceux de la Plaza Mayor...

Encadré(s) :

TAPEO

511, rue Villeray Montréal (514) 495-1999

Prix - Les portions coûtent environ entre 4$ (tortilla de patatas) et 16$ (assiettes de viande) chacune.

Genre - Resto relax mais bien animé où l'on peut aller à deux (mais pas pour un tête-à-tête romantique) autant qu'à quatre ou six ou huit... Il y a plein de petits plats qui plaisent aux enfants comme les chorizos ou les ailes de poulet, mais surtout les calmars frits.

Faune - Des gens qui aiment bien manger et voyager en mangeant. De la madame de Westmount qui a entendu dire que c'était un des restos préférés de la rédactrice en chef de Gourmet, au prof de l'UQAM.

+: Du goût et encore du goût.

-: Il faut réserver bien des jours à l'avance pour être sûr d'avoir une place. À moins de manger à l'heure espagnole, vers 22h30...