Juliette, 4 ans, qui aime bien les princesses, les fées et les contes merveilleux en général, n'a pas été difficile à convaincre. "On va aller manger à un restaurant de sirène?"-

Un restaurant où on mange comme des sirènes...-

Des coquillages?

La Sirène de la mer, dont l'adresse officielle est rue Sauvé, mais dont la porte est réellement sur L'Acadie, juste au nord de la voie ferrée, non loin du supermarché Adonis, est effectivement un restaurant spécialisé dans les produits de la mer. Un restaurant libanais où on va pour manger des fruits de mer et du poisson.

En plus du menu libanais traditionnel- baba ganouche, taboulé, fattouche, etc.- on y propose toutes sortes de poissons, crustacés, mollusques très frais, qu'on sert grillés ou frits et qu'on choisit directement sur la carte ou alors sur la glace, en allant dans la poissonnerie attenante qui sert de fournisseur permanent aux cuisines de l'établissement.

Ouvert il y a environ huit ans, ce restaurant est une véritable institution dans la communauté libanaise montréalaise, qui en a fait un lieu de rencontre et de célébration. Surtout les dimanches, on y va en famille, en invitant les arrière-grands-parents autant que les bébés, pour souligner toutes sortes d'occasions.

Dans ce décor contemporain sans identité culturelle précise, d'un chic un peu crémeux mais lumineux grâce à un mur de fenêtres, le niveau de décibels est solide- sans être exagéré- la patience des serveurs est immense et l'atmosphère est franchement sympathique, relax et familiale.

On peut y amener des enfants en sachant qu'on sera accueilli les bras ouverts. Juste pour vous donner une idée, Léon, 3 ans, a fini son repas assis à la table voisine, avec son nouvel ami Zorab! Les deux garçonnets, partageant une passion commune pour Buzz Lightyear- ils se sont reconnus grâce à leurs chaussures portant l'effigie du héro d'Histoire de jouets- venaient de passer de longues minutes à courir ensemble, entre les tables et autour de l'aquarium quand le papa de Zorab a suggéré ce plan pour convaincre son fils de terminer son repas... Bref, ce n'est pas à La Sirène qu'on s'en fait avec ce genre de chose. Ni chez les clients ni chez les serveurs.

beaucoup de citron

Cette ambiance ne fait qu'ajouter à l'expérience repas qui est elle aussi fort agréable. Sans réinventer la roue, La Sirène présente la cuisine traditionnelle libanaise et les produits de la mer simplement et justement. Les ingrédients sont frais et l'usage abondant de jus de citron et de persil donne aux plats des airs d'été malgré la pluie froide qui sévit depuis des siècles dehors... Bref, on y mange bien, de l'entrée au dessert.

Nous avons essayé en entrée la fattouche, salade à base de persil, de laitue, de tomates, de concombre et de morceaux de pain pita séché. (D'abord et avant tout, notons que la portion était très généreuse même s'il ne s'agissait d'un demi-plat. Le serveur nous avait donné cette idée qui peut s'avérer bonne tout au long du repas. Si on veut essayer plus de choses, pourquoi ne pas couper la poire en deux?)

Les légumes croquaient sous la dent, le pain était ultrafin et simplement séché plutôt que frit, le citron donnait un entrain d'enfer à toute la préparation tandis que l'assaisonnement au sumac- au goût un peu citronné lui aussi- et à la menthe séchée y ajoutait un brin de poésie.

Le baba ganouche s'est avéré lui aussi irrésistible. Petit goût de charbon des aubergines grillées, texture veloutée liée à l'huile d'olive... On n'aurait pu demander mieux, surtout qu'on a dévoré cette mousse-tartinade avec un pain pita très léger, d'une fraîcheur irréprochable, autre bon point pour ce restaurant.

Pour les enfants, nous avions aussi commandé un plat de calmars frits. En le voyant arriver dans toute son immensité, nous nous sommes tout de suite dit qu'il serait impossible de le terminer. Ce le fut, effectivement. Mais les enfants et les parents ont quand même fait du très bon travail pour que diminue la montagne de fruits de mer. Ce sont surtout les enfants qui ont raffolé des petits morceaux légèrement trempés dans la pâte et frits à point. Même ceux qui n'apprécient pas la friture en ont mangé, grâce à la grande discrétion de l'huile cuite et à la texture croustillante du mets, à peine ramollie par un peu de jus de citron.

Le poisson que nous avions choisi, un mérou, est arrivé grillé tout simplement, désossé et prêt à servir. Tendre et cuit à point, il s'est laissé dévorer sans autre artifice. On aurait pu l'accompagner d'une petite sauce au citron et aux câpres ou une autre petite concoction légère et toute simple. S'il y a amélioration à apporter, c'est peut-être de ce côté, pour plaire aux plus gourmands.

Pour accompagner le poisson, nous avons choisi le riz frit- un peu lourd- et du riz blanc très classique, ainsi que des poivrons rouges grillés très simplement, mais aussi très savamment puisqu'on a réussi à les peler sans que la chair ne soit pour autant le moindrement abîmée. Pour rehausser leurs arômes sucrés, on les a simplement salés et nappés d'un peu d'huile d'olive.

Au dessert, nous avons été très agréablement surpris par une pâtisserie appelée katayef, qui consiste en une crêpe farcie de fromage blanc et couverte de morceaux de pistache et de miel parfumé à l'eau de fleur d'oranger. Juste assez sucré, très moelleux et savoureux, ce dessert offrait pour une rare fois l'occasion d'apprécier la fleur d'oranger dans toute sa subtilité, sans qu'elle ne soit trop présente, trop capiteuse. Vraiment, une belle conclusion sucrée.