En pleine canicule, l'heure du souper, c'est un peu comme une parenthèse torride qui viendrait secouer votre estomac pour lui faire comprendre qu'on ne peut pas vivre que d'amour et d'eau fraîche (et d'un peu de salade). On abdique alors et l'on tente de se réconcilier avec la pesanteur ambiante, puisqu'il le faut bien. Aussi bien en découdre avec la protéine au Dîner, qui emprunte son nom à l'institution américaine de restos préfabriqués, aux menus rustauds servis 24 heures par jour, autrefois réservées aux prolos des villes du Nord-Est. Mais ce Dîner-ci n'a pas jugé utile de conserver le menu. En tout cas pas dans sa forme originale.

> LE LIEU

Il y a l'exiguïté, le comptoir, les banquettes en cuirette, l'éclairage un peu violent, les odeurs de friture. C'est la nostalgie en déséquilibre. L'ambiance maison mobile n'est alambiquée que par quelques tables, installées à l'extérieur, à même le trottoir - à plus de 30 degrés, vous ne voulez pas mariner à l'intérieur, et sans clim, c'est insupportable.

> LE REPAS

Oubliez la fontaine à soda et les ados, le Dîner sert des repas d'adultes... à des prix correspondants. Inspirés nul doute par les clubs, hamburgers et autres nourritures égalitaires, les cuisiniers se sont éclatés en réinventant un peu le genre. Substituant le thon au poulet dans le club sandwich, un tartare (jeu de mots ici) "à peine saisi" pour un hamburger plutôt cru, ajoutant du homard dans la guédille, des lardons chauds dans la César, rafraîchissant la bavette, le tartare et le rôti de boeuf, on sent que les patrons se sont amusés à composer le menu. Concept oblige. Ainsi, on a reconstruit le hot chicken avec de la pintade confite, mais en conservant les petits pois verts (qui ne sortent cependant pas de la boîte) et la sauce BBQ manifestement faite sur place avec beaucoup de soin. Ajoutez des trognons de carottes et des panais braisés et vous avez là une chose ludique, enquiquineuse, même si la sauce un peu doucereuse est fade. En revanche, les fish & chips (du colin) sont absolument sans faille, la chair en flocons tendres et moelleux se détache en soufflant dessus. C'est léger malgré une friture un peu gauche. On a conservé les peaux des pommes de terre frites (impeccables), ce qui leur donne plus de goût. La même friture, un mélange de farine blanche et de maïs, granuleuse et sèche, semble avoir servi aux calmars qu'on présente avec un yaourt à la lime au parfum saisissant. Pour un général Tao original, on a substitué des ris de veau (un peu trop cuits) au poulet, nappés d'une sauce très caramélisée. Les desserts, des tartes au citron et au caramel salé et chocolat, paraissent plus sexy qu'ils ne le sont en réalité, ils manquent un peu de nerf.

> LA CLIENTÈLE

Un peu éprouvée par la chaleur, elle retrouve sa superbe "Plateau" en quelques verres de blanc. Elle devient alors hyperactive, bavarde et fringante.

> LES PRIX

Dîner? Un club à 19$, un steak frites à 23$, entrées de 4$ à 10$, plats à partir de 15$. Comptez plus de 80$ à deux tout compris avant les vins.

Le Dîner

4710, rue de Lanaudière (coin Gilford)

+ Amusant, anecdotique, c'est vrai, mais ce resto de quartier attire les gens qui ont une irrésistible envie de rire. Service sympa et efficace, fait au féminin avec un accent du tonnerre.

- Pour cette cuisine simpliste et, disons-le, sobrement infantile, ça fait un peu cher le resto de quartier. Même si c'est bien fait, que ça goûte, que c'est original, on a l'impression qu'il manque un petit quelque chose...