J'avançais sur le boulevard Saint-Laurent, près de Saint-Viateur, quand soudainement est arrivé sur le trottoir un homme dans la jeune trentaine, chevelure blonde, généreuse barbe de hipster, avançant avec sa compagne d'un pas sûr, vêtu d'un long manteau de fourrure. Il avait un peu l'air d'un Viking. Tiens, me suis-je dit, il me fait penser à un jeune chef suédois culte, engoncé dans son lourd pelage. Peut-être est-ce un cuisinier...

Je ne l'ai jamais su.

Mais j'ai constaté peu après, en revanche, qu'on se dirigeait vers le même restaurant. Maïs. Une table pas exactement ringarde ni nappe blanche, est-ce nécessaire de le préciser, un lieu où, si on veut avoir l'air rebelle, on débarque sans tatouage, sans barbe, sans Arcade Fire dans sa liste de lecture.

Gastronomie chouchou

Ce Maïs, qui est sur Saint-Laurent près de Bernard, est une table adorable et abordable. Un petit frère du Sardine et du Magpie, installés non loin. On y offre une cuisine mexicaine moderne sur une carte courte, où les plats se démarquent et mettent bien en valeur cette autre gastronomie chouchou du moment - après l'asiatique modernisée et la péruvienne - que l'on croyait connaître, mais qui se dévoile de plus en plus sous toutes sortes de jours nouveaux.

Inspirés par des chefs comme Daniel Ovadia, Enrique Olvera du grand Pujol à Mexico ou Bruno Oteiza du Biko, autre lieu de pèlerinage culinaire de la capitale mexicaine, les chefs spécialisés dans cette gastronomie cherchent en effet à la transporter ici loin des clichés du Tex-Mex et du fast food.

À Montréal, à côté des bons restaurants mexicains traditionnels - La Guadalupe mexicaine rue Ontario, Ta Chido sur Parc ou encore Maria Bonita, rue Casgrain dans le Mile End -, on retrouve maintenant Maïs, une adresse qui fait toutefois d'abord penser à Grumman 78, où depuis trois ans, les tacos, les jus verts vitaminés, les salades fraîches remplies de coriandre font les beaux jours d'un camion ambulant et, maintenant, d'un quartier général, rue de Courcelles, dans Saint-Henri.

Toujours plus de tacos

Chez Maïs, dans le Mile End, on met aussi de l'avant les tacos et encore les tacos. De petites créations vendues à l'unité, où s'enlacent des ingrédients frais aux saveurs précises. On adore, par exemple, le taco au flanc de porc avec viande fondante, déposé sur une crème fraîche maison, beaucoup de petits haricots noirs marinés, légèrement acidulés et encore bien fermes, le tout accompagné d'une généreuse portion de cresson frais.

Le taco aux champignons de Paris? Imaginez beaucoup de champignons poêlés, tendres, mais encore fermes, baignant dans une crème aux jalapeños qui pince la langue, enrobés dans une tortilla bien moelleuse dont le goût de maïs se fait gentiment sentir, juste assez grillé.

Autre composition fort réussie: le taco à l'omble de l'Arctique - le poisson peut changer cependant selon les arrivages - et à l'avocat, avec chou mariné évoquant les kimchis. C'est acidulé, gras, vitaminé. Et délicieux avec un peu de sauce salsa verde piquante (ou un peu de guacamole en supplément).

On aurait pu commander un poisson entier à partager. Ou un grand plat de tacos carnitas, aux morceaux de porc - pas aussi tendres qu'on aurait aimé. Mais ce que j'aurais surtout aimé faire, c'est reprendre une assiette servie en entrée, un ceviche de pétoncles soyeux et plein de soleil - avec tranches de radis, suprêmes de pamplemousse et cresson - servi sur une tostada, une tortilla préparée maison, grillée, donc croquante, presque au goût de noisette. Divin.

Côté dessert, la carte est encore courte, comme pour le reste, mais ne manquez pas le gâteau au chocolat, une mousse dense dont le classicisme est brisé par quelques épices, à la mexicaine - est-ce du clou qu'on a reconnu? Sûrement de la cannelle... Il faut aussi essayer les popsicles à l'avocat couverts de noix de coco grillé. Frais, onctueux, étonnant. Seul bémol: il n'y avait pas de chocolat chaud fortifié à la tequila quand on est passé. Dommage.

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Maïs

5439, boul. Saint-Laurent, Montréal

514 507-7740

Prix: Tacos entre 3,50 $ et 4,50 $ chacun. Entrées entre 5 $ et 13,50 $ (pour un plat d'ailes de poulet piquantes à partager). Desserts entre 3,50 $ et 4 $.

Carte de vins: Chez Maïs, on boit plutôt de la bière, mexicaine ou pas, de la tequila, du mezcal, du whisky, des margaritas... Adoré le «Ginger Ale» maison, fait avec un sirop très fort en gingembre frais, juste assez sucré et allongé avec de l'eau gazeuse.

Service: Efficace, sympathique.

Atmosphère: Le lieu est bruyant, animé. On y retrouve toute la faune du Mile End, super hipster, avec chemises à carreaux, barbes, qui se fait la conversation dans toutes les langues, assise au bar ou à la grande table commune.

À noter: Maintenant ouvert le midi avec des plats très simples, sans service aux tables.

Décor: Rétro-vintage, avec lampions et ampoules suspendues dans des cages, tables de bois récupéré, cuisine ouverte...

Point positif : La carte est courte, mais chaque plat est soigneusement et savoureusement pensé et préparé.

Point négatif : On ne peut pas réserver et on peut seulement payer en argent liquide. Et ce serait super que toutes les tortillas utilisées soient fabriquées sur place, car celles qui le sont, les tostadas des entrées, sont réellement réussies.

On y retourne? Oui, en courant.