Un restaurant qui porte le nom Argentino doit logiquement servir de la cuisine d'Argentine. Le patron est portenos (de Buenos Aires) et ancien boucher, ce qui devrait aussi nous rassurer sur son traitement de la viande grillée. Car qui dit Argentine dit - surtout - viande grillée et qui plus est, boeuf grillé.

Parmi tous les amateurs de bidoche et de protéines animales, d'ailleurs nombreux en Amérique latine, les Argentins sont les plus fervents. Certains diraient aussi les plus sanguinolents. C'est selon. En un mot, la viande n'est ni rare ni chère en Argentine, c'est d'ailleurs ce qui a longtemps fait sa fortune et transformé Buenos Aires en grande capitale au début du 20e siècle. Et d'où vient-elle, cette viande de boeuf ? De la pampa, la grande plaine entourant la capitale, où vivent les gauchos, ces cowboys à ponchos de l'hémisphère sud. Bref, la viande fait presque partie des mythes de fondation de l'identité nationale, au même titre que le soccer et le tango. Vous comprendrez que les végétariens ne sont pas pris au sérieux là-bas !Le restaurant Argentino essaie donc de recréer un peu de l'ambiance des restaurants populaires de la capitale, des lieux où se rassemblent les familles, où l'ambiance est grégaire et joviale et où le décor est accessoire. Il s'agit surtout de se rappeler le pays par des drapeaux, des t-shirts de l'équipe nationale de foot, des fanions de différentes équipes aussi, d'un poncho de gaucho... pas grand-chose de vraiment typique ni d'original sinon la télé qui présente des téléséries et des nouvelles argentines (sur les joueurs de soccer, bien entendu). On entre là-dedans en se disant qu'on est dans un troquet de banlieue ; ce n'est ni un resto chic ni un bistro, mais plus tout à fait une cantine.

Au menu, il y a aussi des pizzas : car en Argentine, pays où une grande partie de la population est de descendance italienne, on la prend au sérieux. Et elle n'a rien à voir avec celle qui est servie dans les ruelles de Naples. Au contraire, elle se distingue. Elle a de l'épaisseur au niveau des «flancs», ses garnitures sont pour le moins ordinaires, mais pas la combinaison poivrons rouges marinés et oignons dans celle baptisée Fugazzeta. C'est vrai, elle est aussi un tout petit peu grasse, mais bon. On ne peut pas tout avoir. En tout cas, elle vous rappellera - si vous y êtes allé - ces soirées où vous avez levé le coude et terminé la nuit dans une pizzeria de l'Avenida Corrientes. C'est ce qu'affirme mon compagnon de table, qui l'a fait à répétition. Sa pizza lui a même tiré quelques larmes.

Mais passons aux choses sérieuses avec la viande, la vraie. L'asado: croyez que l'on ne vient pas ici pour manger léger ni végétal. Mais par les temps qui courent, un peu de gras et de protéines ne fait de mal à personne. Les coupes de viande argentines se distinguent des canadiennes. Il y a même deux types de bavettes là-bas, le vacio et le matambre, les deux ceinturées de gras, contrairement aux manières françaises. Il en résulte une grillade plus ample et beaucoup plus goûteuse. Le «T-Bone», l'entrecôte ou la côte de boeuf font partie de coupes plus grosses comme le bife de costilla. Puis on trouve des trucs exclusifs à la boucherie argentine qu'on sert ici dans l'assiette d'asado, une coupe des côtes entières, grillée à la perfection. L'asado comprend aussi un boudin duveté et savoureux et un chorizo (une saucisse de type espagnol) bien relevé. On sert tout ça avec des frites maison, et une salade typiquement argentine qui pourrait aussi être typique de Baie-Comeau, laitue-tomate-concombre, nappé de mayo et accompagné d'olives. Tout simple. Mais attention: très copieux.

L'entraña (le haut du ventre) est une viande un peu filandreuse mais parfaitement exquise après un passage sur la braise. L'idée étant de grignoter autour des os et, surtout, de commander cette viande saignante. Pas fait pour les âmes sensibles, je le répète. Les vrais carnivores en raffoleront. Une autre assiette qui présente un intérêt réel est la parrillada, qu'on sert d'habitude en pleine campagne: c'est un quartier entier de viande, côte, flanc et intestins, appuyé directement à la braise. La version urbaine est tout de même impressionnante: saucisses, bifteck, rognons, ris, boudin, côte.

Après cette ripaille néanderthalienne, si vous avez encore un coin à rassasier, il y a bien les alfajores, les petits gâteaux au dulce de leche ou des crèmes caramel servies avec du dulce de leche. Vous comprendrez que chez les Argentins, on ne se complique pas trop la vie, du moins à table.

Argentino

3273 Beaubien Est

514-727-9797

www.restaurantargentino.com