Décor baroque que celui du Barroco installé rue Saint-Paul, au milieu des boutiques chic et des hôtels de luxe. Miroirs florentins, lanternes, cheminée, vieilles pierres, fauteuils recouverts de brocart, banquette en cuir blanc et candélabres constituent l'essentiel d'un cadre plus château de vampire hongrois que vieille maison du Vieux-Montréal. Bref, le designer a réussi à créer une ambiance originale, dangereusement proche du kitsch de mauvais goût... mais tout en l'évitant. Malgré l'exiguïté du restaurant, on se sent tout de même bien au milieu de ces pierres grises et brutes qui couvrent les murs et reflètent la continuité de la ville. Et si on réussit en plus à lui donner un petit côté gourmand et cossu, c'est déjà ça de gagné.

La carte du Barroco est un peu sage et courte. Elle montre des affinités avec le Sud-Ouest français, la côte surtout, avec des noms de plats qui sonnent comme des emblèmes du Languedoc et de la Catalogne française même si Terence Sheppard, le chef, a un nom anglais.

 

Qu'y propose-t-on? De la viande surtout, braisée principalement (cela pourra changer, nous l'espérons, avec la canicule), sinon quelques spécialités de poisson, de l'espadon poêlé servi avec un ragoût de poivrons, des haricots et du rapini, un poisson du jour facturé selon l'arrivage, un plat de pâtes, et quelques entrées dont les appellations ne sont pas particulièrement affriolantes à la lecture, mais qui se révèlent surprenantes dans leur présentation et leur préparation.

Comme cette salade de pommes de terre grelots avec de la roquette et quelques tranches de jambon de Bayonne qu'on a baptisé Giambonetto («petit jambon» pour faire mignon). Nappée d'une petite mayonnaise courte et au goût franc, c'est une entrée simple et parfaite pour ouvrir l'appétit avec de bonnes choses au goût apaisant et aux saveurs justes. En un sens, ça va plutôt bien au décor et au (faux) feu de foyer. Des calmars qui sont grillés à la plancha se présentent sur un lit de jeunes feuilles de roquette, le tout nappé d'un trait d'huile d'olive. Encore là, tout simple et tout beau. En un mot parfait.

En plat, la bavette impeccablement cuisinée (presque noircie à l'extérieur et saignante au coeur) est une proposition qui s'accompagne de quelques pommes de terre rattes et d'une sauce aux champignons. Cela a l'air plutôt commun, mais la sauce est tonique, dense et savoureuse, avec des relents de parfum boisé et fumé. C'est un plat bien construit à la fois rustique et résolu dans son dépouillement.

Autre plat protéiné, la côte de boeuf se détache de l'os à la cuillère. On a braisé la viande dans un riche bouillon allongé au porto. La sauce a été réduite jusqu'à ce que la texture soit presque sucrée et collante. Des artichauts frais, préparés en vinaigrette, et un gratin dauphinois, allégé, complètent le plat.

Les desserts sont également sobres, tant dans le choix que la qualité. Une crème brûlée classique et une sorte de tiramisu qui ressemble davantage à un trifle anglais. Des étages de fruits rouges légèrement confits, entre du mascarpone, parfumé à la liqueur de Chambord (à la framboise). Un délice. Presque un péché, mais si véniel au fond. Pourquoi s'en priver rendu là? À notre avis, un seul hic dans ce singulier restaurant légèrement excentrique où la cuisine est véritablement d'un niveau supérieur: les légumes facturés à part gonflent inutilement l'addition.

 

Barroco

312, rue Saint-Paul Ouest

Tél.: 514-544-5800

On y retourne? Un oui ferme.

Prix: ce n'est pas déraisonnable pour le quartier. Les entrées sont proposées à un peu plus de 10$ et les plats à un peu moins de 30$ en moyenne. Il n'y a pas de formule, alors ça grimpe assez vite. Disons 100$ à deux, avant le vin, mais taxes et service compris.

Faune: celle-là ne souffre d'aucune timidité, aussi rococo que soit le décor. On y rencontre une clientèle juvénile, prospère, griffée, chevelure étudiée, crémée. Distrayant brassage mondain avec quelques touristes américains éblouis.

Service: extra, bien encadré, détendu malgré le peu d'espace pour manoeuvrer.

Vin: très belle carte, construite à partir de crus d'importation privée, pour tous les goûts et toutes les bourses (entre 40$ à 600$). On peut faire de jolies découvertes comme un Château Saint-Preignan du Languedoc pour moins de 50$ et quelques bons espagnols pour une trentaine de dollars.

+ : pour un resto branché, c'est étonnamment soigné et sympathique.

- : des portions de légumes facturées en extra et de main légère: 5$ pour des pommes de terre à l'ail, 8$ pour une portion d'aubergines parmigiana! Ça ressemble à une tactique de marketing, et c'est vilain pour la fidélité de la clientèle.