La question est arrivée sur mon Twitter inopinément, un mercredi soir: «Amis de New York en visite. Quel est le meilleur resto végétalien à Montréal?»

Je suis restée un peu figée. Végétarien, je connais. J'aurais nommé quelques indiens et toutes sortes d'autres restaurants sympas où on peut très bien ne choisir que des plats de légumes - j'ai déjà amené un visiteur au Pied de cochon sans savoir qu'il était végétarien et on s'est très bien tiré d'affaire. Mais végétaLien, avec un L, comme dans «aucun produit d'origine animale, même pas de miel, même pas certaines gélatines»...Vous vous doutez bien que je fréquente peu le végétalianisme. Pas végétarienne pour deux sous non plus. Le plus loin où je vais dans cette direction, c'est d'être un peu bio et encore, le mot ayant été tellement usurpé... La dernière fois que j'ai mangé végétalien, c'était chez Millenium, à San Francisco, un repas dont je garde un souvenir fort positif mais fragile.

Mais comme ce secteur culinaire manquait à mon répertoire, j'ai décidé de partir explorer. Et c'est ainsi que j'ai abouti chez le nouveau Crudessence et le classique Aux Vivres, deux adresses végétaliennes hip et intéressantes où on a l'impression de manger entre deux designers de mode et un autre de site web. Dans les deux cas, un repas pour deux revient à moins de 50$.

Crudessence

Crudessence, rue Rachel Ouest, à deux pas du parc Jeanne-Mance et sur le chemin des tam-tam, vient d'ouvrir, avec quelques tables intérieures, un comptoir où l'on prend des lunchs pour emporter, quelques places assises sur le trottoir. C'est blanc, simple. Zen. Très post-yoga. On y prépare une cuisine non seulement végétalienne mais crue. Donc pas de pain, pas de mijotés... Rien de chaud, que du frais, que ce soit un hamburger, une lasagne ou un gâteau aux carottes.

Peu importe ce qu'on pense des vertus réelles ou imaginées de cette façon de s'alimenter, l'exercice culinaire n'est pas banal et pose des défis intéressants. C'est ainsi qu'une lasagne froide devient un mille-feuilles de courgettes crues avec sauce aux tomates séchées et pâté germé de tournesol, le tout garni de «croumesan», un fromage de noix.

De la même façon, la boulette d'un hamburger est en fait une pâte de légumes et d'herbes - champignons, tomates séchées, oignons, carottes râpées et poivrons - entre deux pains que l'on appelle chapati crus.

Chaque plat est donc fort complexe. Et les assaisonnements sont intéressants, notamment une vinaigrette au sésame toute verte qui ressemble à du guacamole sans en être. Mais le clou du repas est sans aucun doute le «smoothie» au lait d'amandes, banane et épices chai.

Cela dit - j'avais constaté la même chose chez Millenium - la pâtisserie est ce qui souffre le plus de l'exercice végétalien et si j'avais un conseil à donner aux adeptes de cette cuisine c'est d'aller absolument ailleurs que vers les gâteaux et tartes et de cesser de demander au tofu et au beurre de noix de coco de faire ce que le vrai beurre de vache et la crème font trop bien pour que quiconque survive à la comparaison.

Si vous voulez avoir un exemple extrême de ma constatation, allez chez Crudessence essayer le gâteau aux carottes, composé d'un écrasé de raisins secs, carottes râpées, épices et poudres de noix. Une seule question: pourquoi? Une seule solution: un simple petit fruit frais la prochaine fois.

Aux Vivres

Aux Vivres, lui, accepte de cuire la nourriture. Son menu végétalien, à côté de Crudessence, a donc l'air totalement décadent. Riz brun, hamburgers au pain de blé entier, bok choi cuit...

Le restaurant fréquenté par une faune jeune à tendance hip est sympathique. Décor hyper simple mais frais, avec des banquettes de bois pâle et beaucoup de blanc. Le menu, lui, avec son écriture rétro, se donne presque des airs de diner.

D'ailleurs, on y propose maintenant une assiette de «smoked meat» végétalien, qui se mange avec cornichon et moutarde. On est sur la Main ou on ne l'est pas. Avantage principal : le ketchup est fait maison et, avec son goût fumé très prononcé, une des plus grandes réussites des lieux.

Sinon, la sauce piquante au sésame accompagnant le bol de riz brun à la thaï est vive et tranchante, mais pourquoi n'avoir pas ajouté le moindre assaisonnement durant la cuisson du pak choi et du riz ? Et ces morceaux de carottes crues, ne sont-ils pas un peu gros? Et si les morceaux de navet marinés viennent ajouter un autre angle à la composition, l'acidité ne vient-elle pas déséquilibrer le plat plutôt que l'inverse?

Côté burger, le résultat est plus positif. Surtout celui au porcini où le gros champignons costaud et savoureux - est-ce le fameux goût umami qui se glisse entre nos papilles quand on y prend une bouchée? - vient carrément remplacer la boulette de steak. Et les frites, énormes morceaux de pommes de terre grillés dans un peu d'huile, sont assez charnues et salées et réconfortantes pour faire oublier toute tentative de croustillant.

Au dessert, re-problème. Brownies à la farine de blé entier? Sec. Gâteau au chocolat et aux pommes? Sec, malgré les morceaux de pommes qui cherchent à humecter la pâte. Surprise? Le velouté du glaçage qui, nous a dit la serveuse, est obtenu grâce à du tofu soyeux. Idée : en mettre une couche double épaisseur. Au moins.

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Aux Vivres

4631, boulevard Saint-Laurent

Montréal

514-842-3479

www.auxvivres.com

On y retourne? Pour accompagner des gens qui y tiennent vraiment, en espérant que l'assaisonnement des bols de riz aura été raffiné.

Crudessence

105, rue Rachel Ouest

Montréal

514-510-9299

www.crudessence.com

On y retourne? Peut-être avec les enfants, pour les smoothies aux fruits et à la banane.