L'idée est bonne. En fait, le Vino, ce resto-bar un peu bistro de quartier, un peu lieu de rencontre, un peu bar à vin, a pas mal de mérite. Il est juste assez décoré, ornementé avec suffisamment de détails pour ne pas le rendre banal, et raisonnablement pudique pour le rendre attirant.

Avec un long bar qui s'étire sur presque toute sa longueur, une cuisine ouverte où s'évertuent de jeunes (de bien jeunes à ce qu'il paraît) cuisiniers, des toilettes aux accents rouge sang, et un tableau noir qui propose à la fois la table d'hôte de la soirée et la carte des vins, on sent que les patrons avaient de la bonne volonté. Ils voulaient se distinguer du lot, et surtout du lot sincèrement pas très joyeux du quartier, réputé pour ses à-peu-près, ses restos de frimes, ou ses gargotes à snacker ethniques. Nous l'en félicitons.

Malheureusement, pour réussir à faire les choses bien, il faut un peu plus que de la bonne volonté. Il faut du talent, de la maîtrise technique, des ingrédients de la plus haute qualité, et un angle, une vision. Vous savez, cette orientation générale un peu abstraite, davantage une aspiration qu'un caprice, qui se traduit dans l'assiette et qui sépare souvent les bons des communs. Un chef qui a une vision ou un concept et qui sait le transmettre sur l'assiette, exécuter avec précision, fera jaser, créera de l'émoi, suscitera des palpitations, que sais-je ?

Mais Vino, qui a d'innombrables qualités, il n'en faut pas douter, manque de vision. On y mange à peu près convenablement, les portions sont généreuses, mais on ne se lèvera pas pour faire une ovation à cette cuisine italo-française prévisible et pas aboutie, annoncée comme méditerranéenne mais usant de crème et de beurre à profusion. Elle est définie dans les règles (ou à peu près, certes) mais trop riche, faite d'ingrédients assemblés rapidement et parfois maladroitement. Et surtout, trop de tarabiscotages, d'ingrédients, de combinaisons, des crevettes servies avec une salsa d'ananas, un tartare de saumon avec de la crème, des pâtes avec de la crème, des trucs caramélisés, le fenouil côtoie la coriandre, les épices et les tomates séchées, une pincée de paprika ou de chili, c'est à la fois américain, italien, français, la jungle, on ne sait plus trop, en fait. C'est du métis désincarné.

Nous choisissons des calmars frits, c'est une entrée qui convient aux saisons froides. Les petites bêtes sont trop cuites ou pas assez, elles sont caoutchouteuses (et décongelées, manifestement), et la friture est molle et grasse. On l'accompagne d'une riche mayonnaise aux relents de curry. Il a fallu demander du pain, on nous apporte de l'huile complètement rance (à croire qu'on ne goûte pas avant de commencer le service, à moins qu'on l'abandonne sur le bord d'une fenêtre ou près d'une source de chaleur), et personne ne trouve à redire lorsque nous le faisons remarquer. Bon ! Pour la Méditerranée, on repassera. La salade de betteraves est plutôt bonne, servie sur un fouillis (puisque ce n'est pas lié avec de l'huile) de roquette fraîche, avec des amandes rôties et du fromage feta. Ce devrait être une entrée, robuste et miniaturisée, tout en délicatesse, mais c'est présenté comme un camion de pompier, une portion énorme, du jus de légumes éclaboussé. Heureusement, c'est bien assaisonné. C'est déjà ça.

Maintenant les plats. Le risotto aux champignons sauvages est affligeant, il est trop cuit, pâteux, collant et nous en laissons les trois quarts. Les tortellini au gorgonzola sont crémés, encore, et garnis d'un peu de persil fraîchement déposé sur le dessus. Or, la crème a cette vertu de tout travestir, même le caractère - pourtant viril - d'un fromage comme celui-là. Qu'importe, la pasta est réussie dans son genre, mais le plat reste un peu loufoque. Un Milanais à qui l'on présenterait cette version de sa cuisine nationale fulminerait. Nous pourrions encore pérorer sur les pâtes au porc fumé, sur des desserts idoines, mais nous préférons aller marcher pour éliminer les milliers de calories que nous avons entreposées ce soir-là. Régime méditerranéen, vous dites ?

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Vino

5674, rue Monkland

Montréal

514-481-8466


On y retourne? Bof!

Prix : C'est moyennement cher, comme tout le reste d'ailleurs : moyen dans l'addition comme en cuisine. Comptez environ 100$ pour deux repas du soir, taxes, service et une bouteille de vin compris.

Faune : On s'y attendait, bourgeoise et pasteurisée, de tout âge, mondaine et bohème à la fois. Comme le quartier.

Décor : Une sorte de petit boudoir... De bistro français à banquettes, miroirs, et tableau noir. Confortable et convenu.

Service : Plaisant.

Vin : Bon choix (limité) de petits crus, intriguant et facturé... moyennement. Mais pour qui a des prétentions de bar à vin, la choix au verre est lamentable.

Plus : L'ambiance vraiment décontracté et sympathique.

Moins : La grosse télé qui diffuse un match de hockey en guise de fond sonore pendant tout le repas. De quoi vous empêcher de digérer. C'est une taverne ou un resto ce truc ?