Vous rappelez-vous la première fois que vous avez goûté à la douceur du sushi? À ce premier maki bien tassé, bien équilibré, mélange de saveurs relevé par la très parfumée acidité d'une fine tranche de gingembre tranchée, par le piquant du wasabi dilué dans le salé de la sauce soja?

Moi, ma première expérience vraiment spectaculaire avec la douceur du thon et la conviviale complexité du «kamikaze» remonte au début des années 90, quelques années avant que j'aille au Japon chercher mes références. C'était chez Mikado, avenue Laurier, quand il était encore à l'étage, du côté sud de la rue. On y entrait comme dans un restaurant nippon typique, en montant quelques marches pour découvrir un ensemble de petites pièces plutôt qu'un vaste local. Les restaurants au Japon sont comme ça: toujours douillets malgré leur décor de papier et de bois rectiligne.

 

Mikado est aujourd'hui déménagé de l'autre côté de la rue. Au rez-de-chaussée. Là où était avant la Spaghettata.

En retournant dans cette enceinte, j'avais beaucoup de craintes. Nostalgie des belles années de l'ancien restaurant italien.

Nostalgie aussi de mes premiers moments de magie chez l'autre Mikado. Allais-je retrouver le facteur «wow» en cette époque totalement sushi-isée, où même le Metro du coin offre des rouleaux californiens et autres maki improvisés? Allais-je être à nouveau renversée? Allais-je renouer avec ce sentiment d'être au Japon?

En fait, la transition de l'autre côté de la rue se fait fort bien et Mikado continue d'être une valeur sûre de la gastronomie japonaise à Montréal.

Ça n'a pas le panache d'un Tojo à Vancouver. (Ni les prix!)

Ça n'a pas la folie créative d'un Tri-Express.

Le décor n'est pas aussi allumé que chez Jun-I.

Mais l'ensemble est agréable, classique et professionnel. Et on y passe un moment impeccable.

À essayer, par exemple, l'entrée de fines tranches de bar cru, simplement servies avec une sauce ponzu, oignons verts. Ou alors les gyoza poêlés, ces dumplings remplis de crevettes aiguisées au gingembre qui éclatent sous la dent. Une feuille de shiso ici, un peu de prune salée ou de miso par là, en gouttes, en touches, et le moindre plat prend du relief, frais et allumé. Jamais lourd.

Sashimi, maki et compagnie sont préparés minutieusement et rappellent qu'il y a une vie, sérieuse et professionnelle, au-delà du travail souvent bâclé des omniprésentes chaînes à sushis. Essayez le kamikaze, avec sa chapelure de tempura, qui donne une structure croquante au poisson épicé, avec l'aide de la fraîcheur d'un peu de concombre et de laitue. Ou alors plongez dans un maki NDG - j'imagine que celui-là a été inventé à la succursale de Mikado rue Monkland - où la pomme verte apporte une note acidulée inattendue à une combinaison épicée au thon et à l'avocat.

Au lunch, la boîte bento à 20$ donne quant à elle une excellente vue d'ensemble de ce qu'on connaît, ici, de la gastronomie japonaise. (Tout un volet incroyablement riche de cette cuisine, rempli de mets aux saveurs, mais surtout aux textures inusitées est en effet plutôt inconnu hors du Japon).

Dès que la boîte est servie, il faut manger l'échantillon de tempura un plat qui, de façon générale, n'est bon qu'immédiatement après être sorti de la friteuse. Celui du Mikado - une crevette et un légume frit - est croustillant et léger.

La boîte bento propose aussi notamment un pétoncle cru mariné dans le jus d'agrume absolument fin et doux, un sashimi de saumon et une minibrochette de poulet teriyaki présentée avec un minuscule poireau braisé, savoureuse et amusante.

Souvent, dans les restaurants japonais, on ne mise pas trop sur le dessert. Chez Mikado, ils sont intéressants. Et de moins en moins classiques, optant plutôt pour une déclinaison de saveurs asiatiques avec techniques de pâtisserie française. C'est ainsi qu'on peut savourer une magnifique glace au litchi ou un nougat glacé au thé vert.

Bref, Mikado demeure Mikado.

Mikado

399 Laurier ouest

Montréal

514 279-4809


> Prix: Menus du midi entre 11$ et 20$, incluant salade et soupe et dessert. Le soir, les prix sont très variés, selon qu'on commande des plats ou des sushis à la carte. Nous nous en sommes tirés pour une soixantaine de dollars par personne, tout inclus.

> Carte de vins: Beaucoup de sakés, dont plusieurs importations privées. Une bonne liste de vins blancs et rouges, incluant beaucoup de valeurs sûres, mais intéressantes.

> Service: Courtois et professionnel.

> Décor: Simple et élégant, avec des parois de papier blanc et des lignes pures. Aucun flafla. Minimaliste à la japonaise. Les lieux ont été légèrement réorganisés pour qu'il y ait des pièces isolées ainsi qu'un grand sushi bar.

> Le détail qui plaît: du gingembre mariné blanc, sans colorant.

> Le détail qui agace: comme dans un nombre encore trop grand de restaurants, aucune explication sur le menu concernant les origines des poissons et autres informations importantes pour savoir si l'on fait un choix écologique.

> On y retourne?: Oui, pour un repas classique, avec des gens qui aiment la cuisine japonaise classique, sans prendre de risque.