Les camions de cuisine de rue ne sont pas encore arrivés au point de rendez-vous du parc South Weddington que, déjà, des clients font la file.

En ce mardi midi ensoleillé, Charles Wilson songe à commander des tacos au porc épicé du camion Kogi BBQ, dont la cuisine fusion mexicaine-coréenne est devenue une référence à L.A. Avec son fil Twitter suivi par près de 100 000 abonnés, Kogi BBQ attire plus d'attention que bien des acteurs de Hollywood.

«Quand j'ai vu que Kogi serait là ce midi, j'ai décidé de venir, dit M. Wilson, qui travaille dans les bureaux de NBC Universal, tout près. C'est un petit plaisir de manger ici.»

Depuis 2009, une petite révolution se vit dans les rues de Los Angeles. Des centaines de camions de cuisine de rue sont apparus près des parcs, des tours de bureaux, des marchés de quartier et à la sortie des bars et des galeries d'art. On compte désormais plus de 200 camions de cuisine de rue «gourmets», en plus des 2600 camions «traditionnels» qui proposent des spécialités mexicaines, souvent dans des quartiers populaires.

Travis Porter, propriétaire du camion Creativeats, aime le défi de cuisiner dans son camion. Sa spécialité: le porc braisé, qu'il fait cuire à feu doux pendant 14 heures. «Ça prend beaucoup d'organisation, dit-il. Mais c'est très agréable et le contact avec les clients est direct.»

Selon Matt Geller, président de l'Association des camions de cuisine de rue de la Californie du Sud, les camions sont populaires car ils offrent un grand choix.

«Les camions bougent plusieurs fois par jour, les menus changent. Les gens peuvent essayer une variété quasi infinie de plats abordables», dit-il en entrevue.

Désormais, des chefs se font connaître dans la rue. En 2010, Roy Choi, du camion Kogi BBQ, a été couronné meilleur nouveau chef de l'année par le magazine Food&Wine, une première. Kogi BBQ compte maintenant quatre camions.

Le critique gastronomique du L.A. Times et lauréat d'un prix Pulitzer, Jonathan Gold, écrit régulièrement sur ses camions préférés.

Jon Reeves, résidant de L.A., est sans doute devenu le plus grand amateur de cette cuisine. Il s'est donné pour mission de manger à chacun des camions «gourmets» de la région. Il dit en avoir essayé 250 jusqu'à présent.

«J'aime découvrir les sensibilités des chefs, dit-il. On pourrait penser que ces camions font de la nourriture pas très raffinée, mais ce n'est pas ce que j'ai pu constater. Il y a beaucoup de travail et de créativité dans leurs plats.»

La cohabitation avec les propriétaires de restaurant n'est pas toujours facile, note Matt Geller, qui souligne que les camions desservent en priorité les endroits où les restaurants sont moins nombreux.

«Est-ce que des restaurants ont vu leurs ventes baisser? Bien sûr. Cela dit, j'ai vu bien des camions qui ont poussé des restaurateurs à changer leur menu, à offrir des mets plus créatifs et uniques, et qui ont attiré une nouvelle clientèle.»

La Ville de L.A. distribue des permis de camion sans trop de contraintes, ce qui n'est pas le cas dans certaines villes, comme à New York, où «un véritable marché noir» des permis s'est formé, dit M. Geller.

«Le rôle d'une ville n'est pas de se placer entre un chef et un client et de dire: non, vous ne pouvez pas vendre de la nourriture à partir d'un camion de cuisine. Et je remarque que les restaurants bien cotés de la ville sont pleins de toute façon. Ils n'ont pas le temps de penser aux camions.»