Certains le considèrent comme de la vermine. D'autres, comme un animal de compagnie. De plus en plus de commensaux britanniques préfèrent toutefois manger l'écureuil gris que le nourrir.

Le rongeur gagne en popularité chez les chefs londoniens en manque de nouveauté. Des vedettes de la gastronomie, comme Marco Pierre White et Hugh Fearnley-Whittingstall, en sont mordus.

 

Fergus Henderson, du restaurant St John dans l'est de Londres, est l'un des premiers à l'avoir proposé, en 2002. «La viande est délicieuse, semblable au lapin, à condition de la faire mijoter à feu doux», dit le chef étoilé Michelin en entrevue téléphonique. Il en sert normalement entre septembre et avril.

C'est un peu un retour en vogue pour la petite bête. Le gouvernement britannique avait offert à la population des recettes de soupe et de tarte à l'écureuil pendant la Seconde Guerre mondiale, en période de rationnement.

N'ayez crainte: Londres ne s'est pas transformé en terrain de chasse. Les écureuils qui font saliver les restaurateurs viennent de la campagne et se nourrissent de fruits et de noix.

Leur popularité est à la hausse, confirme Steve Downey, boucher des meilleures tables au pays. «Il y a maintenant 20 restaurants à Londres qui m'achètent de l'écureuil, dit le directeur de Chef Direct. J'en vends aussi 200 par semaine aux particuliers. Une fois qu'ils ont goûté à la viande, ils deviennent adeptes.»

Un geste écologique

Encore faut-il que les convives dans les restaurants se laissent convaincre. Au pub gastronomique The Cow, à Notting Hill, un groupe d'Américains faisait des blagues à propos des tagliatelles au ragoût d'écureuil, au menu en septembre dernier.

«Nous avons souvent ce genre de réaction, dit la serveuse Torie Pawsey. Les Britanniques sont en général plus aventuriers. Je recommande aux gens de l'essayer en entrée. On ne m'a jamais retourné un plat.»

Le chef de The Cow, Martin Hurrell, avait apporté beaucoup de soins à ses tagliatelles. Cuite à feu doux pendant quatre heures, la viande marinée au vin rouge et aux légumes fondait dans la bouche. Des notes de fruits et de noix dominaient, avec un léger arrière-goût comparable à celui du foie de poulet.

«J'aime essayer de nouvelles choses et l'écureuil est parfait pour ça, dit le chef. Il faut aussi éduquer les gens. La bestiole est très nuisible à nos forêts.»

De nos jours, manger un écureuil gris est non seulement un acte gastronomique, c'est un geste écologique en faveur des écureuils roux natifs de la Grande-Bretagne et des derniers hectares de forêt britannique.

Les écureuils gris ont été importés d'Amérique du Nord au XIXe siècle, rappelle Steve Downey de Chef Direct. «Ils ont décimé la population d'écureuils roux en Angleterre. Ils font aussi des ravages à la faune et la flore des forêts.»

Une peste, donc... Mais pas dans les cuisines des restaurants.

Autre raison qui explique la popularité de l'écureuil: sa viande n'est pas chère. À 2$ la carcasse, les chefs n'ont pas de mal à faire leurs frais. Un écureuil et demi suffit pour nourrir une personne.

Le chef Fergus Henderson, du restaurant St John, assure que ses clients s'en lèchent les doigts. «J'apporte une touche de poésie à mes plats, je recrée l'habitat de l'écureuil avec des cèpes et des cressons. Et à la fin du service, je ne vois que des visages souriants.»

Où manger de l'écureuil à Londres (en saison):

The Cow Pub 89 Westbourne Park Road (Notting Hill) Tél.: "44 (0) 2 072 210 021

St John Restaurant 26 St. John Street (Barbican) Tél.: "44 (0) 2 072 721 587