Ville invitée du festival Montréal en lumière, La Nouvelle-Orléans est indissociable de sa cuisine créolisée et de Katrina. En août 2005, le terrible ouragan a provoqué destruction et exil, et changé la face de celle que l'on appelait autrefois The Big Easy. Mais il lui a peut-être aussi donné l'occasion de renouer avec son identité unique. Et si la reconstruction de La Nouvelle-Orléans passait aussi par la renaissance de sa gastronomie?

John Besh, le chef le plus médiatisé de La Nouvelle-Orléans, raconte que, avant Katrina, ses restaurants comptaient plus d'une centaine d'employés. Deux semaines plus tard, il ne lui en restait que quatre! «Katrina a tout changé dans nos vies, dit-il. Il a fallu recommencer à zéro. La culture de la ville a été mise en péril; elle a pratiquement disparu avec une bonne partie de sa population.»

 

Cela a permis à des gens comme John Besh, gardien des traditions gastronomiques, de faire quelque chose. Avec des collègues restaurateurs, il a décidé de faire renaître l'activité gastronomique de La Nouvelle-Orléans: ranimer les petits métiers artisanaux, l'élevage des volailles et des cochons à l'ancienne, encourager les maraîchers à produire sans pesticides ni engrais chimiques, etc. «Nous pourrions avoir un impact sur l'avenir et corriger des erreurs commises au nom du progrès», explique-t-il.

Selon lui, si la gastronomie de La Nouvelle-Orléans est si réputée, c'est grâce à son originalité. Quand la ville a commencé à sortir d'un long sommeil, au début des années 70, «la cuisine locale avait pratiquement disparu au profit d'une cuisine d'hôtel panaméricaine, banale et fade. Tout le contraire de notre cuisine créole, relevée et épicée», précise-t-il. Il a fallu attendre le début des années 80 pour remettre à la mode les plats emblématiques. Aujourd'hui, c'est peut-être par la cuisine que passe le salut de la ville.

Un passé riche

Comme toutes les villes américaines intéressantes, La Nouvelle-Orléans est profondément métissée. Tour à tour habitée par des Français, des Espagnols, des esclaves africains, des Cajuns et des immigrés européens, la ville s'est bâtie par couches superposées qui font d'elle l'une des cités les plus intéressantes et raffinées des États-Unis.

Le résultat de ce mélange se voit aisément dans la culture culinaire, qui emprunte à la France du XVIIIe siècle, aux Cajuns et à leur cuisine paysanne vigoureuse, à l'Espagne pour les charcuteries et les condiments, à l'Afrique pour les ingrédients végétaux - les okras surtout -, à l'Italie et à l'Allemagne pour les pains. Tout cela a contribué à donner son identité à la cuisine de La Nouvelle-Orléans, que l'on dit souvent «créole» et qui n'est ni européenne ni américaine, mais complètement originale.

Le «roux», par exemple, qui sert de base à tant de sauces en France (à la béchamel, notamment), est ici réinterprété comme une base de farine et de gras longuement mijotés (parfois des heures) jusqu'à ce que le cuisinier obtienne une pâte de la couleur du chocolat foncé. Le roux constitue la base de tous les plats créoles, les «gumbos», les bisques et les «étouffés».

Le jambalaya cajun, un plat de riz sauté qui mélange des écrevisses ou des crabes attrapés dans les marécages avec du jambon et des saucisses, cuit directement sur feu de bois, se prépare d'ailleurs un peu comme la paella de Valence. Quant à l'étouffé de crevettes et au pain perdu cuit dans le sirop de canne à sucre, ce sont là des plats dont toutes les parties sont empruntées, mais qui sont revus et corrigés dans les bayous.

Le climat de la Louisiane méridionale est chaud et très humide. Ses marécages sont infestés de moustiques et propices à la malaria. Et encore, on ne parle pas des crues du Mississippi, des tornades et des ouragans. Une chose dont ne souffre pas cette partie du monde, cependant, c'est de sécheresse et de froid. La région est riche en cultures maraîchères; ici poussent les agrumes et la canne à sucre, le maïs et le riz, les fruits à noyaux et les fruits tropicaux.

Bref, le placard de base des Louisianais offre d'innombrables possibilités. Et bien que la partie sud de l'État ait été dévastée par Katrina, l'économie locale s'est remise à fonctionner avec une vigueur étonnante. Le chef Donald Link du restaurant Cochon attribue tout cela au courage et à l'esprit d'entreprise des habitants, mais aussi à leur grande capacité d'adaptation à des conditions difficiles.

Dans la semaine qui vient, les Montréalais pourront goûter à tout cela.

LA NOUVELLE-ORLÉANS AU FESTIVAL MONTRÉAL EN LUMIÈRE

- Le chef Donald Link, du restaurant Cochon, le 24 février au restaurant Le Jolifou, 1840, rue Beaubien Est, 514-722-2175.

- Brian Landry, du restaurant Galatoire's, reçu du 18 au 20 février au restaurant Julien, 1191, rue Union, 514-871-1581.

- Thomas Wolfe, de Wolfe's in the Warehouse, le 22 février à L'Épicier, 311, rue Saint-Paul Est, 514-878-2232.

- Michael Farrell, du Meritage, de la Maison Dupuy Hotel, reçu le 23 février par Les Cons servent, 5064, avenue Papineau, 514-523-8999.

- Duke Locicero, du Café Giovanni, le 24 février au restaurant Buonanotte, 3518, boulevard Saint-Laurent, 514-848-0644.

- Ian Schnoebelen, chef d'Iris, reçu le 23 février chez Raza, 114, avenue Laurier Ouest, 514-227-8712.