Plusieurs fois classé meilleure table au monde par la revue britannique Restaurant, le nouveau elBulli «ne sera plus un restaurant au sens conventionnel» lorsqu'il rouvrira en 2014 après une interruption de deux ans, explique à l'AFP son chef Ferran Adria.

Admiré dans le monde entier, mais aussi critiqué pour avoir révolutionné la gastronomie moderne, le pape de la cuisine d'avant-garde explique dans une interview cette pause «créative», annoncée la semaine passée, qui maintiendra fermées en 2012 et 2013 les portes de son établissement trois étoiles Michelin. «Nous ne fermons pas parce que nous sommes stressés», précise-t-il à l'adresse de ceux qui ont vu dans cette annonce un parallèle avec des chefs français qui en pleine gloire ont rendu leurs tabliers et leurs étoiles.

«Il s'agit d'aller de l'avant, d'un pari sur le futur, d'une opération de recherche et développement», remarque-t-il par courrier électronique depuis son «atelier» de Barcelone, où il prépare actuellement la carte 2010 de son restaurant, niché sur la côte catalane (nord-est).

Quelle forme prendra le nouveau elBulli? «On a une idée à ce sujet, et même assez avancée et détaillée, mais pas encore figée», ajoute le cuisinier catalan de 47 ans.

«Une chose est claire, nous ne serons pas dans le circuit conventionnel des restaurants, des guides, etc.», indique-t-il. «Avant tout, elBulli ne sera pas un restaurant, ce sera un nouveau concept (...) où tout devra s'articuler autour de la créativité».

«Il n'y a rien de fixé encore pour le format. En principe, compte tenu de notre parcours, nous ferons de la cuisine d'avant-garde», dit-il.

«Mais nous n'écartons pas la possibilité de faire pendant un mois de la cuisine traditionnelle, ou bien d'expérimenter la formule bar à cocktails et à snacks ou encore les petits-déjeuners, un repas traditionnellement oublié par les restaurants et qui me passionne».

Le chef confie avoir pensé au nom de la «liberté» à «fermer définitivement» pour se consacrer à l'enseignement, aux conférences et à sa Fondation Alicia sur l'alimentation et les sciences.

Mais Adria s'est rendu compte qu'il était «avant tout cuisinier» et qu'il «prenait plaisir» à son travail. «Il n'y a pas de sens à cuisiner sans personne pour consommer ce que tu as cuisiné.»

«C'est pourquoi, à partir de 2014, elBulli sera un lieu où les gens viendront pour manger» mais avec un nouveau «format», notamment en matière de réservation.

«La question des réservations ne peut continuer à fonctionner comme aujourd'hui, avec huit personnes employées à répondre non aux personnes qui demandent une table», souligne-t-il. Son restaurant est réputé refuser un nombre faramineux de demandes chaque année.

elBulli et son atelier de Barcelone «coûtent» actuellement 500.000 euros par an et Ferran Adria envisage «un lien direct, très fort avec une entreprise, pas forcément liée à l'alimentation».

«Etant donné qu'elBulli est centré surtout sur la créativité, il pourrait s'agir d'une entreprise de nouvelle technologie, ou d'énergie renouvelable, une banque», explique-t-il.

Le qualificatif de «moléculaire» continue d'hérisser Ferran Adria. «La cuisine moléculaire n'existe pas, le terme ne signifie rien. Cela fait cinq ans que je l'explique mais les médias continuent d'insister (...). Cela n'empêche pas que nous sommes très fiers de nous trouver parmi les initiateurs du dialogue entre science et cuisine».

«Les critiques sont inévitables et pour moi c'est bien pourvu qu'elles soient respectueuses», conclut-il. «Quand on fait de l'avant-garde, on le sait bien, on se met à découvert».