Le pâté chinois est la base de notre patrimoine alimentaire, soutient Jean-Pierre Lemasson, directeur du certificat en gestion des pratiques socioculturelles de la gastronomie de l'UQAM. Paradoxalement, on ne connaît pas vraiment ses origines et c'est ce qui a intéressé ce sociologue. «Une de mes passions est l'histoire de la gastronomie québécoise, explique Jean-Pierre Lemasson. J'ai été fasciné par l'importance du pâté chinois dans la société québécoise et j'ai commencé à faire la collection des rumeurs urbaines sur son origine.»

Son livre, Le mystère insondable du pâté chinois, sera en librairie mardi. Il est le premier volet d'une enquête qui se poursuit toujours. «Tenter de retracer l'origine du pâté chinois est, autant le dire d'emblée, un défi presque insurmontable, écrit Lemasson. Les pistes sont nombreuses, plus ou moins fantaisistes, presque jamais documentées, de telle sorte qu'il faut se livrer à un travail qu'un inspecteur de police jugerait au-dessus de ses forces.»

On a tous entendu parler de l'histoire des travailleurs chinois qui construisaient les chemins de fer. Fausse piste, soutien le sociologue qui s'intéresse aussi aux supposées origines américaines. Le China Pie et le Chinese Pie sont-ils des ancêtres? Et le Shepherd's Pie écossais? Le hachis Parmentier français?

Le professeur Lemasson avoue qu'il a réconcilié avec cette recherche deux aspects de sa personnalité. L'universitaire analytique s'est régalé en fouillant dans les archives, dont celles de La Presse où il a trouvé une mention du pâté chinois dans un numéro de 1930. Il y était déjà présenté comme un plat commun.

Le professeur a aussi établi la généalogie du hachis de boeuf, du maïs en grains et de la pomme de terre en purée, comme entités indépendantes.

En plus du rigoureux travail analytique, le côté ludique du chercheur a été gâté avec un objet de recherche aussi sympathique. «Tous les Québécois ont déjà mangé du pâté chinois!» dit-il. Il transcende les classes sociales et on en mange en ville comme en campagne. «Il est notre expérience commune, notre matrice sensorielle», soutient le sociologue.

C'est une référence culturelle, un plat maîtrisé par tous les chefs et cuisiniers du dimanche, à part peut-être Thérèse, qui dans La petite vie n'arrivait pas à faire un pâté chinois dans les règles de l'art. Mais le plat a beau être un monument, il n'est pas un intouchable. Jean-Pierre Lemasson a demandé à des chefs de le revoir, à leur façon. Avec un jarret de porc et du sirop d'érable pour Annie Beauregard; du boudin noir et sans blé d'Inde pour Jean Mourre et un confit de canard pour Danny St-Pierre.

Qu'on puisse l'actualiser est bien la preuve que c'est un plat d'avenir, affirme Jean-Pierre Lemasson, qui ne met pas un point final à son enquête en publiant ce livre. Toute information pertinente sur le pâté chinois et les recettes ancestrales peut lui être transmise au patechinois.info.