Comment se portent les fraises du Québec? Tant chez les producteurs que chez les consommateurs, il y a unanimité: les premières de l'été sont très bonnes, malgré le froid et la pluie. Les producteurs craignent néanmoins que des averses trop abondantes ne viennent tout gâcher. Voici quelques trucs de chefs pour profiter des meilleures comme des «moins meilleures» car, soyons clair, la fraise fraîche de chez nous, même lorsqu'elle n'est pas parfaite, est un délice fort attendu de la belle saison.

Le chef pâtissier Patrice Demers passe au marché Jean-Talon tous les matins pour acheter les fraises qui seront servies aux clients du nouvellement rénové Newtown, au centre-ville. «Je suis très surpris par la qualité des premières fraises de la saison. Celles que j'ai mangées étaient vraiment hallucinantes.» «Elles sont plus sucrées que les autres années, confirme Louis Bélisle, agriculteur de Saint-Eustache et vice-président de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec. La saison est un peu lente, mais égale, et le produit est très beau.»

 

En général, Patrice Demers préfère les fraises d'automne, qui sont plus fermes et présentent un meilleur équilibre sucre-acidité que la fraise de mi-saison (un peu trop gorgée de soleil... ou d'eau, c'est selon). Avec les premières fraises, le jeune maître de la douceur a préparé un sorbet dans lequel il n'avait à ajouter que très peu de sucre (50 g pour 1 kg de fraises). «Ça goûte plus la fraise que la fraise elle-même!» s'exclame-t-il.

Mais lorsque le fruit rouge est un peu fade, on peut facilement rétablir l'équilibre en cuisine. Il suffit de le passer sous l'eau et de bien l'assécher. On le coupe et on le roule rapidement dans un sirop au citron composé de 100 g de sucre, de 100 g d'eau et de 50 g de jus de citron. Ou encore, on l'arrose d'une vinaigrette sucrée composée de citron, de miel, d'huile d'olive et de vanille. Celle-ci est particulièrement délicieuse sur les fraises, mais aussi sur les salades de melon.

Comme les fraises n'aiment pas les chocs de température, on évite de les réfrigérer, du moins lorsqu'on les veut le plus savoureuses possible. Dans les restaurants, on achète des fraises fraîches tous les jours. Avec les restes, Patrice Demers prépare un «consommé de fraises». Dans un cul-de-poule, il ajoute en sucre 10% du poids des fraises (pour 1 kg de fraises, 100 g de sucre, par exemple) et place le tout au-dessus d'un bain-marie d'eau frémissante, pendant deux heures. On passe au tamis sans presser les fraises. Ce concentré peut servir dans les cocktails, humecter des gâteaux et se congeler dans des bacs à glaçons. Cette recette sera d'ailleurs publiée dans le deuxième livre du chef pâtissier, à paraître à l'automne, nous apprend-il.

Dany St-Pierre, du restaurant Auguste, à Sherbrooke, nous rappelle que le «sempiternel coulis de fraises fait quand même bien le travail». Mais il nous propose plutôt d'utiliser des fraises abîmées pour faire un ketchup aux fraises. Dans l'huile végétale, on fait tomber un ou deux petits oignons en dés avec une poignée de gousses d'ail entières et on laisse caraméliser. On verse ensuite 250 ml de vinaigre balsamique, on poivre et on laisse réduire jusqu'à la consistance d'un sirop. À cette réduction, on ajoute 1 kg de fraises équeutées et propres et on laisse compoter. «C'est délicieux avec du cochon grillé, de la bavette ou une poitrine de poulet. Le ketchup agit comme agent de texture avec le vin, un vin rouge sur le fruit, de préférence», conseille-t-il.

Éric Gonzalez, quant à lui, travaille bien sûr la fraise en dessert, mais aussi en entrée. Sa plus récente création? Un ceviche de langoustines au citron vert et à la fraise, qu'il doit mettre au menu la semaine prochaine. «Quand on utilise le fruit en entrée, il doit être impeccable. On veut travailler avec le sucre naturel du fruit et ne pas avoir à en ajouter. On ne veut pas un dessert, après tout.» Sur quelques sites et blogues de foodies, on trouve même des recettes de risotto (salé) aux fraises.

Le nouveau chef du Laloux se dit impressionné par les premières fraises qu'il a goûtées en juin et se porte ardemment à la défense du fruit rouge québécois. «Je n'arrive pas à comprendre qu'on laisse passer des fraises du Mexique ou des États-Unis quand on en produit de bien meilleures chez nous.»

Consciente de ce problème, l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec s'est d'ailleurs dotée d'une nouvelle image distinctive, Les Fraîches du Québec, qui aidera les consommateurs à les identifier au supermarché. Plus d'excuses. Il ne reste qu'à vous bourrer la fraise.