L'histoire récente de la culture du café est marquée par deux événements. «Il y a d'abord eu l'invention de la machine à expresso à levier, par Achille Gaggia (autour de 1945), qui permettait pour la première fois d'infuser le café en faisant passer de l'eau sous pression sans le brûler avec de la vapeur. Puis il y a eu la commercialisation de la première machine à pompe électrique, la Faema E-61 (en 1961), qui assurait un meilleur contrôle», explique Jean-François Leduc.

Autour de 2004, on a vu poindre une troisième révolution. Un designer industriel du nom de Zander Nosler a créé la Clover, sorte d'équivalent d'une machine à expresso, mais pour les cafés infusés. Grosse comme un ordinateur de bureau, la Clover fonctionne un peu comme une presse à café française, mais est entièrement programmable. Pour chaque type de grain, elle produit une température très précise, avec un temps d'infusion déterminé. On peut même la brancher à l'internet pour aller récupérer dans une base de données des «recettes» suggérées par les autres utilisateurs.

 

Son coût: autour de 12 000$. «C'est cher, mais le prix est justifié. C'est comme un sommelier automatique , dit Matt Lee, propriétaire du bistro Manic Coffe, à Toronto, le seul établissement à posséder une Clover au Canada. «Le café que produit cette machine est vraiment exceptionnel. Elle fait ressortir toutes les qualités propres à chaque variété de grain. C'est un véhicule extraordinaire pour faire découvrir la culture du café aux consommateurs.»

Mais il y a un hic. En 2008, alors que Clover Equipment semblait avoir le vent dans les voiles, la chaîne Starbucks a racheté la compagnie. Depuis, elle garde l'exclusivité sur la machine Clover, qu'elle déploie à la vitesse de l'escargot dans son réseau de succursales (moins d'une cinquantaine de ses 16 000 cafés en sont équipés, principalement à Seattle, Portland, Boston et San Francisco). Du coup, les établissements indépendants comme celui de Matt Lee n'ont plus accès à la précieuse base de données informatisée créée par les autres propriétaires. «C'est dommage. C'est ça qui a tué la révolution, affirme M. Lee. Mais on ne sait jamais. Peut-être qu'une autre compagnie prendra le concept et le poussera juste un peu plus loin».