Aux États-Unis, des vétérinaires affirment pouvoir soigner les animaux de compagnie avec des produits à base de chanvre. Au Nevada, on a même tenté de légaliser l'utilisation du cannabis pour les animaux, en vain. État des lieux.

C'est en voyant que les douleurs articulaires de son mari s'atténuaient avec l'usage du cannabis que la vétérinaire américaine Sarah Branson a commencé à s'intéresser à l'usage qu'elle pourrait en faire avec les animaux. « Il ne pouvait pas prendre des opiacés ou des anti-inflammatoires, il cherchait une solution de rechange, explique-t-elle à La Presse. En lisant des textes sur le cannabis médical publiés dans d'autres pays, notamment en Israël, il a décidé de l'essayer. Les effets se sont fait sentir rapidement. »

Le couple, qui s'est rencontré à l'école de médecine vétérinaire, expérimente ensuite le cannabis sur son chien qui souffre de dysplasie de la hanche. Après diverses expérimentations avec les dosages de THC, ils se tournent finalement vers le chanvre qui, selon eux, se prête mieux à leur expérimentation. « Les vétérinaires utilisent le chanvre depuis un siècle pour soigner les coliques des chevaux ou comme antibactérien pour les animaux de ferme », note la Dre Branson. Sans compter que le faible taux de THC (moins de 0,3 %) permet de contourner les problèmes légaux entourant le cannabis. 

« Aujourd'hui, notre chien se déplace plus aisément et on a pu réduire la dose de ses médicaments. »

Sarah Branson et son mari sont aujourd'hui à la tête de Canna Companion, une entreprise située à Sultan, dans l'État de Washington, qui vend des suppléments à base de chanvre partout dans le monde.

Ils ne sont pas les seuls à avoir investi ce marché lucratif (les Américains ont dépensé 60 milliards pour leurs animaux l'an dernier et la production de produits médicaux à base de marijuana est en plein essor). Leur plus proche concurrent, et le plus connu, l'américain Canna-Pet, vend une panoplie de gâteries à base de chanvre pour chiens et pour chats.

Au printemps dernier, dans l'État du Nevada, le démocrate Tick Segerblom a voulu aller encore plus loin, en proposant un projet de loi visant à légaliser l'usage du cannabis comme médicament pour les animaux. Le projet de loi, qui prévoyait que le cannabis serait prescrit par un vétérinaire, est finalement mort au feuilleton.

Manque d'information

Le problème, c'est qu'il n'y a pas encore d'études scientifiques qui viennent confirmer les bénéfices de ces produits pour la santé des animaux. « Tout ce que les études montrent pour l'instant, c'est que le système nerveux des animaux possède, comme celui des humains, des récepteurs cannabinoïdes », note l'oncologue vétérinaire Louis-Philippe de Lorimier, qui suit le dossier de près.

« On sait que le THC est un stimulant pour l'appétit et un antinauséeux, mais il n'y a pas suffisamment de données disponibles pour conclure quoi que ce soit d'autre. »

En février dernier, la FDA a d'ailleurs lancé un avertissement à Canna Companion et aux autres entreprises qui vendent des gâteries pour animaux à base de chanvre : cessez de dire qu'il y a des bénéfices pour la santé dans vos publicités, car ils n'ont pas encore été démontrés scientifiquement.

Ce qui n'empêche pas le site de Canna Companion d'afficher des témoignages de clients satisfaits qui affirment tous que le produit a soulagé la douleur et l'anxiété de leur animal.

Il y a sept ans, la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal a entrepris une recherche sur les effets du cannabis chez les chevaux. « Mais l'expérience n'a duré que quelques semaines, raconte en riant Éric Troncy, professeur titulaire de pharmacologie et directeur du groupe de recherche en pharmacologie animale du Québec. La Faculté s'est inquiétée des grandes quantités de cannabis en circulation et de l'usage que certains pourraient en faire, alors ils ont mis fin à l'expérience rapidement. »

Pour l'instant, les seules données scientifiques relatives aux effets du cannabis sur les animaux portent sur des cas d'absorption accidentelle. « Les intoxications par le pot ou le haschich sont fréquentes en urgence, note le Dr Louis-Philippe de Lorimier. Comme la possession et la consommation sont interdites par la loi, les gens sont gênés de nous dire ce que leur animal a avalé. Mais on le voit par les symptômes - abattement, pupilles dilatées. Habituellement, ce ne sont pas des intoxications dangereuses. »

Dans une clinique près de chez vous

Pour l'instant, les propriétaires d'animaux canadiens qui souhaitent essayer de soigner leur animal avec des produits à base de chanvre doivent se tourner vers les produits américains. « J'ai quelques clients qui posent des questions, mais c'est encore peu fréquent, observe le Dr de Lorimier, qui pratique au Centre vétérinaire Rive-Sud. Mais si le Marinol [une forme synthétique du THC naturel vendu aux États-Unis] était disponible au Canada, je commencerais à l'utiliser. »

La première entreprise canadienne à s'intéresser à ce marché, True Leaf Medicine International, mettra sur le marché, dès septembre prochain, des gâteries et des suppléments pour chien à base de chanvre avec un taux de THC en deçà de 0,3 %. « Ce sont des produits très efficaces et sans effets secondaires, affirme le PDG de True Leaf, Darcy Bomford, en entrevue avec La Presse. Ils peuvent être utilisés pour soigner l'arthrite chez le chien ou encore pour diminuer l'anxiété. »

M. Bomford estime que le Canada accuse un retard sur les États-Unis, où la FDA est en train d'étudier la question de l'utilisation du cannabis chez les animaux. True Leaf, qui a déposé une demande de licence auprès de Santé Canada pour produire de la marijuana à des fins médicales, souhaiterait développer un médicament à base de cannabis (avec un taux de THC plus élevé que 0,3 %) destiné aux animaux.

Pour l'instant, Santé Canada rappelle que, comme aux États-Unis, « les aliments et les gâteries pour animaux de compagnie contenant du chanvre ne sont pas considérés comme des médicaments vétérinaires et ne sont pas réglementés par Santé Canada ni par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) ». Comme c'est une industrie autoréglementée, il n'y a aucune exigence relative à la vente de ces produits.

Petit lexique

• Chanvre cultivé : Cannabis sativa L.

• THC : Le tétrahydrocannabinol (THC), un cannabinoïde, est la principale substance chimique du cannabis.

• Cannabinoïdes : Substances chimiques qui activent les récepteurs cannabinoïdes. On retrouve ces récepteurs chez les humains ainsi que chez l'ensemble des mammifères, comme les chiens et les chats.

• Marinol : Marque de commerce du dronabinol, un analogue synthétique du THC.