Rencontré à son bureau de Montréal, Jean St-Gelais, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), a répondu à nos questions concernant le recours collectif contre Norbourg pour lequel l'AMF se retrouve au banc des accusés. M. St-Gelais parle aussi des effets de la crise financière.

Q Étant parmi les intimés du recours collectif des victimes de Norbourg, n'avez-vous pas l'impression que l'AMF vit chaque jour avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête?

R Pas plus que la Securities and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis, qui doit répondre de l'affaire Madoff. Mais, c'est une mauvaise décision du juge d'avoir accordé ce recours collectif plutôt que d'avoir laissé prévaloir le recours que l'AMF voulait elle-même intenter.

Q On vous accuse quand même de ne pas avoir réagi aux signaux qui laissaient croire que quelque chose d'anormal se passait chez Norbourg?

R C'est faux de prétendre que l'on devait tout savoir. La meilleure défense contre la fraude, c'est encore la personne elle-même. Le rôle de l'AMF n'est pas de défendre tout le monde envers et contre tous. C'est facile de dire après les faits ce qui aurait dû être fait. Mais au moment des événements, c'est une tout autre chose.

Q Vous comptez donc vous défendre vigoureusement?

R Bien sûr. Notre défense s'appuie sur le fait que les standards appliqués chez nous sont au moins aussi bons que ce qui se fait partout ailleurs. Nous avons fait venir des gens du Fonds monétaire international (FMI) en 2008 pour évaluer nos façons de faire, et leur conclusion a été qu'elles étaient excellentes.

Q Comment percevez-vous les effets de la crise financière sur le secteur financier québécois?

R On ne diffère pas du reste du monde. Partout, les colonnes du temple ont été ébranlées. Mais les gouvernements ont d'abord décidé de supporter le système financier afin d'éviter la panique, ce qui était la chose à faire. Les plans de sauvetage étaient nécessaires, car le système financier est un support essentiel à l'économie. Il faut maintenant maintenir le cap pour que l'erre d'aller ne se perde pas.

Q À plus long terme, comment pouvons-nous résoudre les problèmes et éviter une nouvelle bulle du crédit?

R Des modifications à la réglementation sont nécessaires. Il faut d'abord s'assurer que le capital réglementaire des institutions financières soit revu à la hausse. Ensuite, il faut améliorer la transparence en ce qui concerne les agences de crédit, les hedge funds, et les dérivés de crédit.

Q Mais encore?

R Les agences de crédit doivent être réglementées de façon à ce que l'on sache comment les cotes de crédit sont construites. Il faut suivre l'exemple des Européens, qui sont les plus dynamiques dans ce secteur. Pour ce qui est des hedge funds, il faut en venir à exiger un prospectus. Les agences de réglementation sont généralement d'accord avec l'idée, mais le processus n'est malheureusement pas encore très avancé. Quant aux dérivés de crédit, comme ceux-ci se négocient de gré à gré, la création d'une chambre de compensation est peut-être une solution.

Q En terminant, M. St-Gelais, y a-t-il un message que vous aimeriez laisser à nos lecteurs?

R Certainement. D'abord, soyez rassurés, le système financier canadien est sain. Ensuite, n'oubliez pas que l'investisseur est le maître de ses choix; il doit poser les questions, et dans le doute, s'abstenir. Enfin, l'AMF veut travailler avec tous ses partenaires afin de favoriser le développement d'institutions financières crédibles.