Empire de la contrefaçon, la Chine voit déferler la mode du «shanzhai», des copies de téléphones mobiles, de produits alimentaires et même d'émissions de télévision, dont l'intérêt est qu'elles ne sont pas tout à fait conformes à l'original et qu'elles sont accessibles à tous.

Le «shanzhai», apparu depuis quelques années et devenu aujourd'hui phénomène de société, fait l'objet d'un débat enflammé sur la toile et dans les médias, jusqu'à s'inviter à la récente session annuelle de l'Assemblée populaire nationale.

Imaginez un jeune Chinois de Pékin. Chaussures IVIKE aux pieds, il arpente les trottoirs de la capitale, consultant régulièrement l'écran de son HIPHONE pour vérifier ses messages. Dans le flot des voitures il admire les nombreuses Chery QQ, clones imparfaits de la Chevrolet Spark.

Ne criez pas trop vite à la copie, le terme est désormais impropre et les Chinois préfèrent lui substituer celui de «shanzhai».

Difficile d'échapper en Chine au phénomène, ce fut l'un des dix mots les plus recherchés sur le web en 2008 alors que journaux et télévisions en faisaient un sujet récurrent.

Le terme de «shanzhai» a d'abord désigné les villages de montagnes rebelles qui dans la Chine impériale échappaient au pouvoir des autorités locales. Il y a près d'un an il a été repris pour décrire les téléphones portables sortis de petites fabriques de la province de Canton.

Ces appareils, griffés NCKIA ou Anycoll, reprenant le design et les fonctionnalités des grandes marques de mobiles, ont envahi le marché chinois et asiatique. Fabriqués sans licence, échappant aux taxes, ils sont revendus à un prix bien inférieur à ceux des modèles qu'ils singent.

Le mot est depuis largement employé et désormais tout est susceptible d'avoir en Chine sa version «shanzhai». Ordinateurs, vêtements et même pâtes instantanées, un produit dès qu'il connaît le succès peut se trouver repris. Ces versions, fausses copies, diffèrent toujours à quelques détails près de l'original.

La ménagère peut fulminer d'être trompée lors de l'achat d'un paquet de lessive, d'autres y voient une revanche populaire. Selon eux ces clones de grandes marques seraient pour les plus pauvres un moyen de s'offrir un peu du rêve dont les bombardent la publicité.

Le phénomène ne s'est pas arrêté aux objets. Car le «shanzhai», se glissant entre les frontières de la propriété intellectuelle et des droits d'auteurs, naviguant entre copie et parodie, en est arrivé à donner naissance à une véritable culture. Il y a des films, des chanteurs, des humoristes «shanzhai».

Une émission diffusée sur le web a même voulu reprendre cette année la sacro-sainte soirée de gala du Nouvel an chinois, autrefois chasse gardée de la chaîne centrale de télévision (CCTV).

Une autre des émissions de CCTV, dédiée à la défense des consommateurs, a aussi sa version «shanzhai». Son initiateur expliquait dans une interview vouloir «retrouver un véritable service pour les masses», que la chaîne ne pouvait plus assurer sous la pression des annonceurs.

C'est d'ailleurs l'une des présentatrices de CCTV, Ni Ping, qui s'est érigée en championne de la lutte contre le «shanzhai». Déléguée de la récente conférence consultative du peuple chinois, se tenant parallèlement à la réunion de l'Assemblée nationale populaire, elle a déclaré vouloir bloquer cette «supposée culture des masses qui n'est qu'une production de pirates et de copies».

Une prise de position qui lui a surtout valu des critiques. Un internaute plaisantait: «la plupart des représentants du peuple ne sont pas des modèles authentiques, alors que le shanzhai est en général apprécié des masses, qui en ont un réel besoin».