Si l'émission Sex and the City existait toujours, Jérôme Chouinard-Rousseau deviendrait sûrement un des designers fétiches de Carrie Bradshaw.

Ce jeune créateur de chaussures de 31 ans, un p'tit gars du Lac-Saint-Jean installé à Los Angeles, a reçu un accueil dithyrambique dès sa première collection. En magasin, ses créations frayent déjà avec celles de Christian Louboutin, de Jimmy Choo et de Manolo Blahnik.

Ces rapprochements feraient sans aucun doute rougir ce jeune homme bien élevé, d'une humilité et d'une politesse fort engageantes. Il ne niera toutefois pas que ses premiers pas sont très prometteurs. Fred Segal, haut lieu de la mode à Los Angeles, a commandé neuf modèles de sa collection automne 2008, sa première. «Cela m'a donné beaucoup de confiance», avoue le designer.

Depuis, des magasins phares comme Harvey Nichols, Barneys, Net-a-porter et maintenant Holt Renfrew ont emboîté le pas. Les rédactrices des magazines Vogue, Bazaar et Elle sont aussi tombées sous le charme des créations chic et ultra-féminines de ce dandy nouveau genre.

 

Photo fournie par Jérôme Chouinard-Rousseau

Chez Holt, mardi après-midi, l'entrevue prenait par moments des allures de salon de réception, où les clientes nanties (celles qui peuvent se permettre de payer plus de 600 $ pour une paire de chaussures) venaient faire la bise à leur nouveau chouchou. Mitsou, la première Québécoise à porter du Rousseau - lors du Gala Célébration Loto-Québec 2008 - et la styliste de Céline Dion et de Julie Snyder, Annie Horth, étaient parmi ses fans. Les deux amies se disputaient poliment une paire de chaussures à talons hauts rouges de la collection automne 2009. «C'est un beau produit d'envergure internationale», a lancé la styliste.Fils d'une radiologiste et d'un mathématicien, Jérôme Chouinard-Rousseau est fasciné par le dessin technique depuis l'enfance. Il a commencé à esquisser des chaussures dans ses cours d'arts après avoir vu un vidéoclip du groupe Deee-Lite, celui de leur grand succès Groove is in the Heart. Il avait 12 ans.

Après des études de mode au collège LaSalle, le jeune homme a laissé sa passion de la chaussure le mener jusqu'à Londres, au réputé Cordwainers College, alma mater de quelques grosses pointures comme Jimmy Choo et Patrick Cox. Il a ensuite mis ses connaissances nouvellement acquises au profit des designers Matthew Williamson, John Richmond et John Rocha, ainsi que de la maison de tendances parisienne Promostyl.

Photo fournie par Jérôme Chouinard-Rousseau

L'amour lui a fait dire farewell à Londres et regagner le continent nord-américain. Après une adaptation difficile, tant sur le plan personnel que professionnel, il a décidé de lancer sa propre collection, qu'il a payée de sa poche. Enfin, il était complètement libre de proposer sa vision toute personnelle.«Je suis beaucoup plus intéressé par le design et les arts que par la mode», affirme celui qui s'est inspiré du travail de l'architecte et designer italien Ettore Sottsass et de l'artiste britannique Verena Paloma Jabs pour sa collection printemps/été, composée de modèles à la fois chics et accrocheurs où cuirs métalliques et coloris estivaux se marient à merveille.

Pour l'automne, le jeune homme est revenu à ses premières amours, la musique. «J'aimais l'idée d'avoir une muse.» Finalement, il en a trouvé deux : la chanteuse anglaise Kate Bush et un groupe de la new wave française, Elli et Jacno. «J'adore le côté à la fois victorien et bohémien de la première, puis la nonchalance d'Elli et Jacno.» Ces inspirations se traduisent par exemple par des couleurs plus électriques, vibrantes et saturées, des talons un peu évasés et, plus concrètement, une bottine victorienne revisitée et une chaussure à imprimé animal très eighties.

Photo fournie par Jérôme Chouinard-Rousseau

«J'essaie de trouver l'équilibre entre quelque chose qui se distingue et quelque chose qui se porte bien. Je cherche à créer une sorte d'élégance naturelle. Les Anglais utilisent le terme effortless», confie-t-il dans son français châtié et précis, ponctué de mots anglais prononcés avec un fort accent british.Pour couronner le tout, on dit que ses escarpins bien racés et ses bottillons à bout découpé, dont certains reposent sur des talons de cinq pouces, ne sont pas les instruments de torture que l'on pense. «Vous savez, le mythe du talon haut confortable?» lance Mitsou. Au dire de celles qui ont eu le bonheur de porter les créations de Jérôme C. Rousseau pendant plus de 30 secondes, ce mythe serait enfin incarné.

Photo fournie par Jérôme Chouinard-Rousseau