Les pêcheurs canadiens se sont beaucoup tournés vers l'exportation pour vendre leurs prises. Avec cette crise économique, ils aimeraient bien, maintenant, développer le marché, ici. Profiter de la sympathie qui existe pour l'achat local dans les productions terrestres et convaincre les consommateurs canadiens d'avoir le même élan chez le poissonnier.

Fort bien. Mais plusieurs lecteurs ont écrit pour savoir: où diable se trouve le poisson canadien? Partout! répond Guylaine Lévesque, propriétaire de la Dorade Rose, avenue du Mont-Royal.

 

Ce n'est pas parce qu'on n'affiche pas «produit du Canada» devant les frigos qu'il n'y a pas de poissons locaux ici. On retrouve facilement de la morue, de l'aiglefin, de la sole de Terre-Neuve, dit la poissonnière. Du Québec, il y a les fameuses crevettes nordiques et des moules bleues, bien que la plupart des moules canadiennes viennent de Terre-Neuve. Le homard, en saison. Et en élevage, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique ont du saumon. Il y a de la truite saumonée ontarienne et du doré du lac Winnipeg, énumère la commerçante, tout d'un souffle. «Ces espèces (locales) représentent environ 60% des ventes d'une poissonnerie», précise Mme Lévesque.

En épicerie, c'est la même chose, dit-elle. Beaucoup de poissons d'ici, mais souvent mal indiqués.

On croit peut-être qu'il y a peu de poissons canadiens sur le marché parce qu'on a en tête les espèces exotiques. C'est certain, explique Mme Lévesque, qu'il n'y aura jamais de mahi-mahi ou de tilapia ici, ce qu'elle appelle les «espèces de fin de semaine» parce que ce sont celles que les clients choisissent pour faire le souper du samedi soir, lorsqu'il y a de la visite.

Et le prix?

Plus cher que les poissons qui viennent de Chine ou du Chili, répond Éric Vigneau, propriétaire de la poissonnerie Fraîcheur des îles, de la Rive-Sud. Mais la qualité ne se compare pas entre «les couronnes de crevettes qui goûtent l'eau» ou les «pétoncles gonflés, transparents et visqueux» qui se vendent à l'épicerie et ce que vous conseillera un bon poissonnier, dit-il.

«Moi, je préfère manger de l'excellent poisson une ou deux fois la semaine, plutôt que du mauvais poisson sept jour sur sept», confie Jill Lambert, auteure du livre A Good Catch qui donne des conseils pour faire des achats réfléchis à la poissonnerie. Elle a aussi demandé à des chefs canadiens renommés de lui concocter des recettes, en utilisant des espèces issues de la pêche durable. Et, sans se concerter, les chefs ont surtout utilisé des espèces locales. Même les cuisiniers des Prairies ont choisi des poissons de rivières.

Selon Éric Vigneau, en plus du concept de «kilométrage alimentaire» qui peut motiver les tenants de l'achat local, dans le cas du poisson, il y a aussi la fraîcheur. Un saumon chilien qui arrive jusqu'au Québec pour être fumé peut perdre en fraîcheur en route. D'autant que le saumon chilien est parfois élevé dans de piètres conditions, mentionne au passage M. Vigneau.

«C'est vrai qu'acheter le poisson est devenu très compliqué, soupire Jill Lambert. Il faut y aller étape par étape, mais ne pas se priver de choisir de bons poissons. Moi, je le vois comme une chasse au trésor!»

Conclusion: parlez à votre poissonnier, ne soyez pas timide et demandez d'où vient votre poisson. Et pour toutes les question éthiques, Jill Lambert conseille de consulter le guide de seachoice.org.