Le Canada l'avait banni à cause de maladies porcines mais, depuis 2006, le saucisson sec français n'est plus «cochonnaille non grata». On le trouve maintenant dans nos meilleures épiceries. Comme les fromages, il a fait des petits Made in Québec, comme disent nos cousins! Les saucissons secs «pur laine» essaiment au Québec et sont devenus les princes de nos pique-niques, apéritifs et journées de plein air...

Le Canada l'avait banni à cause de maladies porcines mais, depuis 2006, le saucisson sec français n'est plus «cochonnaille non grata». On le trouve maintenant dans nos meilleures épiceries. Comme les fromages, il a fait des petits Made in Québec, comme disent nos cousins! Les saucissons secs «pur laine» essaiment au Québec et sont devenus les princes de nos pique-niques, apéritifs et journées de plein air...

On avait célébré l'arrivée au Québec des premiers saucissons de Savoie en 2006, puis La Presse avait péremptoirement déclaré La Pocatière « capitale du saucisson » au Québec, en 2007, à cause de l'entreprise artisanale Grelots, Bâtons et Cie du Fou du cochon, qui brille depuis trois ans et demi par la qualité de ses salaisons. Mais depuis, bien de l'eau a coulé dans le Saint-Laurent. Samuel Gaudet et Nathalie Joannette, fondateurs de Fou du cochon, qui étaient allés acquérir leur savoir-faire en Corse, ont fait des émules.

Il y a un véritable élan pour la charcuterie artisanale au Québec. Fini le temps des seuls jambons pâles, cretons et salamis. On fabrique maintenant toutes sortes de cochonnailles : des jambons crus à faire pâlir un Basque, des saucisses dignes des meilleures bradwurst berlinoises, des pâtés, boudins et andouillettes que Pantagruel ne renierait point, mais aussi des saucissons secs à damner un Lyonnais !

On commence par voir apparaître les saucissons dans les menus, à l'entrée ou en buffet, servis avec du beurre doux, des petits cornichons ou de la moutarde de Dijon, et dégustés avec un bon verre de Côte-du-Rhône Villages ou de Sancerre rouge.

Les artisans du saucisson sec qui se sont lancés dans l'aventure complexe que représente sa production ne vendent pas encore tous leurs produits dans de gros supermarchés, se concentrant dans les épiceries fines. Le saucisson n'est pas encore un produit de consommation courante comme en Europe, où tous les supermarchés en vendent des dizaines de variétés. Mais on n'est plus bien loin. Des magasins Metro, IGA et Loblaws proposent de plus en plus un véritable choix.

Fabriquer le saucisson est tout un art

Pour « saucissonner » selon des standards européens, ce n'est pas simple : « J'aimerais bien avoir une viande de porc persillée comme base de travail, comme en Europe, avec du cochon noir, dit Nathalie Joannette. C'est un cochon qui produit plus de graisse et qui est abattu plus tard. Il est meilleur pour faire du saucisson mais, les producteurs ici n'en font pas car la population veut soit-disant du cochon plus maigre. C'est dommage, car nos produits seraient encore meilleurs. »

Fou du cochon parvient toutefois à obtenir du cochon biologique de Viandes duBreton, un producteur de Rivière-du-Loup qui fait du biologique et du porc naturel élevé sans antibiotiques ni hormones de croissance. Ça permet à l'entreprise de La Pocatière de créer plusieurs sortes de saucissons, avec ses grelots, ses bâtons et de nouveaux produits comme une coppa de type corse, La Coppatière, vendue en tranches, et le Curé, un saucisson de campagne biologique contenant du fromage Le Baluchon.

Des saucissons madelinots

Cochons tout ronds, de Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine, produit aussi une large gamme de charcuterie. Patrick Mathey, le restaurateur de La Marée Haute, créateur de la célèbre terrine de loup-marin, s'est lancé il y a cinq ans dans les salaisons avec Vincent Lalonde, le cofondateur de la Fromagerie du Pied-de-Vent.

Aux côtés de leurs jambons crus, ils produisent toute une gamme de saucissons aux noms charmants : le Ménage, le Petit Ménage, le Chaudin, la Rosette, le Jésus, le Frisé et même du Figatelli, ce saucisson corse fait de foie et d'abats. Ils sont vendus au marché Jean-Talon à Montréal et au marché du Vieux-Port, à Québec.

Charcutaille de Charlevoix

Viandes biologiques de Charlevoix est aussi une belle surprise dans le secteur des salaisons. Natasha McNicoll et Damien Girard élèvent porcs et poulets biologiques sur leur ferme de Baie-Saint-Paul. M. Girard est allé en France et en Belgique en 2005 et 2007 pour apprendre l'art de faire des saucissons.

«On a eu notre permis de séchage en juin 2008, dit-il, et la vente a commencé en juillet. On vend actuellement des volumes au-delà de nos espérances.»

Après six mois, la gamme de leurs produits biologiques est impressionnante. Parmi leurs saucissons, tous nature, le Rondin, le Pieux et la Piquette sont très populaires. Ils préparent pour bientôt un saucisson au fromage bleu et un autre aux noisettes.

Mais ce n'est pas facile de faire du saucisson biologique. Si Nathalie Joannette dit qu'il y a de la résistance à l'endroit du porc biologique au Québec, Damien Girard ajoute que le défi est aussi technique.

«Pour faire un produit correct, il faut arriver à une constance dans la couleur et dans le goût car la clientèle a l'habitude des produits conventionnels, dit-il. Avec le biologique, on travaille avec des ingrédients naturels, comme le sucre de canne et la poudre de céleri pour la fermentation. Le naturel, c'est vivant et ça bouge beaucoup en fonction de divers facteurs. Ce n'est pas facile et nous n'avons pas assez de volume pour bénéficier de la recherche en alimentation.»

Photo: David Boily, La Presse

Le Grand Chaudin Îles-de-la-Madeleine.

M. Girard fait confiance aux consommateurs dont les goûts changent, et il écoute leur opinion. Certains trouvaient ses saucissons trop salés. Il a donc augmenté le désalage des boyaux (pour faire le saucisson) qui lui sont fournis dans des barils de sel. Il a aussi diminué la quantité de sel dans sa viande. Ses saucissons sont maintenant moins salés.

Il fabriquait aussi un saucisson de poulet, le Barbelé, fait avec des cuisses désossées, au goût original, moins gras qu'avec du porc. Mais il devenait vite sec. Il l'a donc retiré du marché en attendant que des recherches soient faites pour l'améliorer.

La porte est ainsi ouverte à de multiples découvertes dans le secteur du saucisson sec québécois. Comme pour les fromages, la créativité des gens d'ici ne manque pas. «Il faut qu'il y ait toutes sortes de saucissons, dit Mme Joannette. Cela favorise sa démocratisation, et le Québécois choisira ce qui lui plaît.»

Des nouveautés françaises

Les saucissons secs importés n'ont qu'à bien se tenir! L'importateur du saucisson Maison de Savoie, qui a été le premier à franchir l'Atlantique depuis 2006, le sait. Du coup, il diversifie ses produits. «Nous avons des saucissons de petit et de grand format, des rosettes nature, au poivre, aux herbes de montagne, aux noisettes, aux champignons, des grelots aux noix et des sarments courbés et droits», dit Bertrand Lecorné, agent commercial de Diffusion TGV, qui importe la marque.

En attendant qu'une entreprise lyonnaise envoie (enfin) du saucisson de Lyon, une nouveauté a fait son apparition au Québec: le Délice d'Auvergne, de la maison Bordeau Chesnel, une grande marque française de rillettes.

Vendu dans un emballage en carton original, ce saucisson est fait uniquement de viande de jambon de porc. Ça lui donne un goût et une fermeté différents, n'ayant que peu de gras: 5 % au lieu de 25 % minimum pour les autres saucissons. Assaisonné au vin rouge, poivre et muscade, et dégusté en rondelles très fines, il est tendre sans être mou.

«Il est moins gras et il a aussi 40 % de protéines, souligne Daniel Akerib, président d'Apicius Gourmet, importateur du Délice d'Auvergne. C'est le meilleur saucisson du monde!» Amateurs, à vous de juger!

Pour informations:

- www.cochonstoutronds.com

- www.viandesbiocharlevoix.com

- www.fouducochon.com

- La Maison de Savoie, importateur Diffusion TGV, tgvinc@qc.aira.com

- Bordeaux Chesnel, Apicius Gourmet, 514-509-2639, Daniel Akerib

- Porcherie Ardennes, www.porcnaturel.com



Photo: Alain Roberge, La Presse

Saucisse séchée au vin rouge de Chaudière-Appalaches.