Le célèbre chef pâtissier français Gaston Lenôtre, décédé jeudi à l'âge de 88 ans, avait renouvelé l'art de la pâtisserie en refusant ses codes traditionnels et bâti un véritable empire de la gourmandise dans le monde entier.

«Mes collègues pataugeaient dans le conformisme», expliquait cet homme énergique, considéré comme un précurseur de la pâtisserie moderne pour avoir bousculé les conventions en créant des gourmandises plus légères, aux saveurs inédites.

Gaston Lenôtre a «sorti la pâtisserie de ses archaïsmes», souligne le grand pâtissier français Pierre Hermé, qui a fait son apprentissage chez lui. «C'est là que j'ai appris les bases du métier, la rigueur dans le travail, le souci du détail, le sens de la qualité», a déclaré à l'AFP M. Hermé, entré comme apprenti à 14 ans dans la maison.

Gaston Lenôtre a «bouleversé la pâtisserie à travers sa créativité, estime également Alain Passard, chef triple étoilé de l'Arpège à Paris. Pour le Lyonnais Paul Bocuse, en matière de pâtisserie, il y a tout simplement eu «Carême (1784-1833, ndlr) et Lenôtre».

«Il n'aimait pas le conformisme, il cherchait toujours à innover dans le respect des traditions et règles de l'art», a renchéri le président Nicolas Sarkozy.

Né le 28 mai 1920 à Saint-Nicolas-du-Bosc, Gaston Lenôtre a hésité entre l'ébénisterie et la pâtisserie. Son père fut chef au Grand Hôtel de Paris, sa mère cuisinière du baron Péreire, lui-même finit par choisir les gâteaux.

Après un apprentissage brillant, il s'installe en 1945 à Pont-Audemer d'où il fournit toute la côte à bord de sa 2CV. Les affaires sont prospères et Gaston Lenôtre «monte» à Paris où il ouvre sa première boutique en 1957, rue d'Auteuil, dans un quartier huppé de l'ouest de la capitale. Il conquiert rapidement une clientèle séduite par ses bavarois, charlottes, mousses et macarons.

Il bouscule les codes traditionnels en inventant des gâteaux légers, mariant des saveurs nouvelles, auxquels il donne un nom, comme l'«Opéra» (alliance de chocolat et de café) ou «Succès», à base de pâte de macaron et de crème de nougatine, au nom prédestiné.

Au tournant de la quarantaine, le pâtissier se lance dans le salé, en créant un service traiteur. C'est le début d'un empire qu'il construit méthodiquement et dirigera d'une main de fer.

«La pâtisserie m'a appris le goût de la précision, de la mesure, de la discipline. Si on fait les choses à moitié, je hurle», a souvent expliqué cet homme qui se disait «intraitable» sur la qualité et «maniaque de la propreté». «Je suis surtout un homme de recherches et de laboratoire» mais «tout doit être fait avec des méthodes artisanales, même si on a 5.000 convives à servir», soulignait-il.

En 1968, il installe ses cuisines et son laboratoire à Plaisir, en région parisienne.

Il ouvre, en 1971, l'Ecole Lenôtre, destinée à accueillir des professionnels du monde entier désireux d'acquérir des connaissances nouvelles et des tours de main uniques.

À partir de 1975, l'empire Lenôtre franchit les frontières, gagnant Berlin, le Japon, le Moyen-orient, Las Vegas, Pékin...

Outre les boutiques, l'entreprise, passée en 1985 dans le giron du groupe hôtelier Accor, comprend le restaurant gastronomique Le Pré Catelan, dans le bois de Boulogne (ouest de Paris), le Pavillon Élysée Lenôtre sur les Champs-Élysées, le restaurant Panoramique au Stade de France (1998).

Marié et père de trois enfants, amateur de chasse et de golf, Gaston Lenôtre est aussi l'auteur de plusieurs livres de cuisine.

La recette du succès ? «J'ai fait les choses avec passion, avec le coeur, je n'ai jamais pensé gagner de l'argent», affirmait-t-il.