Passionnée de design et d'arts textiles, la Montréalaise Elisabeth Lehoux a fait le pari osé d'habiller les morts avec luxe et excentricité. Elle crée des urnes cinéraires «conçues comme un vêtement que l'on choisirait pour la plus longue des soirées».

«Ce n'est pas facile parce que le milieu funéraire est assez conventionnel et fermé. Les Québécois sont beaucoup plus frileux qu'on le pense. Même en crémation, ils préfèrent ce qui est rapide et pas cher. C'est décevant», dit la jeune femme, aussi maquilleuse pour le Cirque du Soleil. Je ne vis pas encore de mon art.»

Dès 9h le matin, elle s'installe dans son petit atelier maison. Elle dessine des croquis, des patrons et travaille les matières: velours, fils de broderie, rubans, perles, bois, dentelles, plumes... Elle peut mettre jusqu'à 60 heures pour confectionner une urne. «Ça va selon les désirs des clients, c'est un défi de bien représenter la personnalité du défunt. J'ai déjà créé une urne faite de fourrure et de morceaux de bouleau pour un chasseur. J'ai aussi brodé une prière complète, avec fleurs en ruban.» Ces attentions ont un prix: de 350 à 3000$.

Mme Lehoux propose des modèles prêts-à-porter aux noms poétiques - Perce-nuit, Angélus, Vers les étoiles, Trésor - exposés dans quelques salons funéraires. Ses urnes haute couture Désir, Caprice et Frivolité sont plus audacieuses. Les rubans entrelacés, les dentelles noires et les froufrous rappellent la lingerie féminine, donnant du coup un petit côté sexy à la mort.

«Je préfère les urnes extravagantes, mais ce ne sont pas celles-là qui se vendent le plus, reconnaît-elle, en riant. J'aime faire des trucs plus élaborés. Certaines urnes sont davantage destinées aux galeries d'art. C'est un statement, elles captent l'attention.»

 

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Pourquoi l'art funéraire? «J'ai toujours été intriguée par la mort. Pour certains, c'est très pénible d'en parler. Pour moi, ça n'a jamais été un sujet tabou. On y passe tous un jour. On peut fermer les yeux, j'ai choisi de les ouvrir. Je n'ai pas peur de mourir.» Elle a d'ailleurs créé sa propre urne funéraire.Sa passion n'a rien de sombre ou de déprimant, insiste-t-elle. «Quand on côtoie des gens en deuil, on se rend compte à quel point la vie est importante. Ça fait vivre beaucoup d'émotions intenses. Les gens s'ouvrent à moi, se rappellent de beaux souvenirs. Il y a des moments tristes, d'autres heureux. C'est comme des montagnes russes. On doit apprendre à se distancer, sinon on pleurerait tout le temps. Parfois c'est bouleversant, mais je me donne le droit de partager leur tristesse. Je ne suis pas de glace.»