Vous vouez un culte à Jeff Koons mais ne pouvez vous permettre d'aller à Berlin pour voir ses oeuvres les plus récentes? Achetez un t-shirt!

L'«art» (avec un petit «a») est plus accessible que jamais, grâce aux innombrables séries d'artistes proposées par Gap, Urban Outfitters, Adidas, Target, Onetop et compagnie. Et si vous voulez vraiment soutenir l'artiste - plutôt qu'une multinationale -, c'est aussi possible. On retrouve, à Montréal comme ailleurs, une foule de créateurs en tous genres qui s'expriment sur t-shirt.

 

Commençons par le plus gros. Au printemps dernier, Gap a proposé une collection à sa mesure. Le géant du vêtement a réussi à convaincre 13 artistes de renom, dont Jeff Koons, Chuck Close, Marilyn Minter et Kiki Smith, de créer des t-shirts en série limitée dans le cadre de la biennale du Whitney Museum of American Art. La multinationale a remis ça cet automne avec une autre exclusivité signée Ruben Toledo et Jean-Philippe Delhomme, qui s'est vendue dans le temps de le dire. Aujourd'hui, les collectionneurs trouveront quelques exemplaires de certains modèles sur eBay, à prix tout à fait raisonnables.

Mais à moins d'être très connecté au monde des arts, de l'illustration et du design graphique, vous ne reconnaîtrez probablement pas le travail ni le nom des auteurs de la plupart des t-shirts «d'artistes» vendus par les grandes chaînes. Et voilà justement ce qui fait le charme de cette démarche. Il s'agit, dans le meilleur des cas, d'un échange de bons procédés. La compagnie de vêtements y gagne des t-shirts réellement originaux, tandis que l'artiste y gagne une visibilité inespérée. Chez Urban Outfitters, par exemple, le nom et une courte bio de l'artiste sont imprimés à l'intérieur de chaque t-shirt.

Établie à New York, l'artiste Masha D'yans, reconnue surtout pour ses jolies cartes de souhaits à l'aquarelle, a vécu une expérience tout à fait heureuse avec Urban Outfitters et Target. «Ce fut un partenariat agréable et positif. On a respecté ma vision. Le tissu choisi (un mélange de coton et polyester qui donne un effet vintage), se mariait à merveille avec l'aquarelle. En plus, on a imprimé à fond perdu jusqu'au bord des t-shirts, comme s'il s'agissait d'une toile, ce qui a donné un résultat très artistique, unique et élégant. C'est encourageant, aussi, de voir son nom et sa bio sur l'étiquette.»

Chez Séripop, le son de cloche est différent. Dans le milieu de la musique underground montréalaise, Yannick Desranleau et Chloé Lum sont les maîtres incontestés de l'affiche rock et de la pochette de disque déjantée. Leur agent londonien les a convaincus de faire un t-shirt pour l'énorme firme Topshop. Pourquoi pas? Ils avaient déjà créé d'innombrables t-shirts de groupes et fait affaire avec la boutique en ligne Threadless. Erreur. L'expérience a été décevante pour le tandem. La série Illustreight, à laquelle sept autres illustrateurs ont participé, n'a pas tenu ses promesses.

«J'aime bien le principe, mais je trouve ça un peu hypocrite de présenter la collection comme une série d'artistes alors qu'en fin de compte, ils n'ont même pas respecté les couleurs qu'on leur avait proposées», dit Chloé, plus déçue qu'amère. «Les goûts sont plus conservateurs dans le design de t-shirt que dans le design d'affiches. Comme le vêtement est un objet plus permanent et plus personnel, les gens sont moins portés à aller vers quelque chose de vraiment pété», croit Yannick.

 

T-shirt «gun holster» (étui à revolver) créé par l'atelier multidisciplinaire de design Rita.

Également musiciens, les deux originaux de Séripop collectionnent les t-shirts d'artistes et amis qu'ils rencontrent au fil de leurs tournées. Le rock est un milieu très favorable à la création en tous genres. Dans un registre beaucoup plus personnel et confidentiel, le jeune touche-à-tout Francis Ouellette (Hux de Lux, de son nom d'artiste), 24 ans, «décore» des t-shirts depuis le cégep. Du pochoir et de la peinture pour t-shirt, il est passé à la sérigraphie à petite échelle, 25 exemplaires à la fois. Ses créations sont portées principalement par ses amis musiciens (il tâte lui-même du chant et du clavier en amateur, au sein d'une bonne demi-douzaine de groupes!).«Un t-shirt, c'est un visuel qui se promène. Ça finit par faire de la promotion. On ne sait jamais où ça peut nous mener», lance cet esprit libre et éclaté, qui peut trouver l'inspiration autant dans l'oeuvre d'un Robert Rauschenberg que dans les expérimentations d'un obscur blogueur découvert au milieu de la nuit.

T-shirts de graphistes

Chez les graphistes, le design de t-shirt comporte souvent une bonne part d'humour et de réflexion. Tant au studio de design multidisciplinaire Rita que chez Feed, petite boîte de design graphique, on a beaucoup exploité la technique du trompe-l'oeil: étui de revolver à l'épaule, lunettes soleil au col, écouteurs au cou et iPod à la ceinture chez Rita, intestin stylisé et sac en bandoulière chez Feed.

Pour éviter l'effet plaqué, la bande de Rita a misé sur la qualité d'assemblage et d'impression, de manière à imprimer juqu'au col et parfois même dans le dos. Plutôt que d'être achetés en gros chez Gildan ou American Apparel, les t-shirts ont été faits sur mesure. «On voulait à tout prix éviter l'effet petit imprimé sur t-shirt XXL», explique Stéphane Halmaï-Voisard, un des fondateurs de Rita.

Cet effet plaqué, justement, vous ne le retrouverez jamais sur les t-shirts de l'artiste, illustratrice, graphiste et designer Melinda Santillan-Moreno. Vendus exclusivement à la boutique Reborn, à Montréal, et chez Sid Loves Amsterdam, la nouvelle adresse outremer du collectif Sid Lee, chaque t-shirt de la collection Adieu est sérigraphié à la main. «Ce que je recherche, tant dans l'art que dans la mode, c'est le caractère unique», a expliqué la jeune femme depuis le Japon, où elle donnait justement un atelier de sérigraphie sur t-shirt cette semaine.

De GAP à Adieu, du plus commercial au plus artisanal, le t-shirt d'artiste est donc à l'image de l'art, éclaté et protéiforme.

T-shirts engagés

Graphistes, artistes et autres créateurs inspirés, vous avez jusqu'à lundi à 21h, pour soumettre votre projet au 7e concours Onetop. Ouvert à tous, donc pas uniquement aux pros d'Illustrator, le concours d'art graphique sur t-shirt propose de réfléchir à «la diversité culturelle dans notre quotidien».

Un jury, qui se renouvelle chaque année selon le thème, choisit 40 projets, qui sont ensuite soumis au jugement des internautes. Au final, 20 t-shirts sont réalisés. L'an dernier, on a reçu environ 600 projets. Les étudiants seraient de plus en plus nombreux à participer, certains professeurs de design graphique ayant inscrit Onetop à leur programme.

Créé par la galerie SAS, Onetop s'inscrivait au départ dans une volonté de soutenir et de diffuser le travail des artistes. «Le concours est une forme de médiation culturelle, explique son fondateur, Frédéric Loury. En art contemporain, on renouvelle assez peu notre clientèle, mais des actions comme celle-là peuvent amener des gens à s'intéresser aux arts visuels.»

C'est à partir du troisième concours qu'on a décidé d'imposer un thème aux participants. D'année en année, la dimension sociale semble prendre le dessus sur l'artistique, bien que l'une n'empêche pas l'autre. «Nous voulons amener les gens à réfléchir. Le t-shirt est un support de message formidable. Mais il faut que le t-shirt soit clair et percutant, ET dans le message, ET dans la composition graphique», prévient Frédéric Loury.

Imprimés sur un modèle de base de la compagnie québécoise Blank, les t-shirts sont en vente dans des boutiques de design et des commerces à vocation éthique. Bien faits et somme toute assez discrets, ils intéressent surtout une clientèle avertie, qui consomme «intelligemment» et possède un bon sens de l'humour, dixit Frédéric Loury.

Les t-shirts des années précédentes peuvent être achetés en ligne, à www.onetop.ca. Les autres points de vente sont répertoriés sur le site.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Un t-shirt uniquePar Jocelyne Potelle, graphiste à La Presse

Avez-vous envie d'être créatif et de donner un peu de style à vos t-shirts de coton? Je vous propose une façon d'en créer un qui fera l'envie de tous vos amis.

En peu de temps, il est facile de confectionner un t-shirt digne d'un grand designer. En plus, vous pourrez dire que c'est vous qui l'avez fait...

Voici ce dont vous avez besoin:

- un t-shirt en coton blanc ou noir;

- une image (prise sur l'internet ou dans un magazine);

- du papier transfert pour t-shirt de marque Avery (chez Bureau en gros)*

- un fer à repasser;

- des ciseaux;

- une imprimante à jets d'encre;

*il existe du papier transfert pour tissus noirs et d'autres pour tissus blancs.

Étapes

1- Trouvez une image à transférer et procédez à des essais sur du papier régulier pour décider de la grosseur de l'image. (Si celle-ci contient de l'écriture, il est important de la retourner (effet miroir), avant de l'imprimer, sinon l'écriture sera à l'envers une fois transférée.

2- Une fois l'image imprimée sur le papier transfert, découpez l'excédent de papier autour de l'image.

3- Déposez la feuille coté image sur le t-shirt. Repassez-la avec un fer très chaud pendant environ trois minutes sur une surface dure (pas sur la planche à repasser). Ensuite, décollez le papier délicatement. Vous pouvez transférer votre image directement sur le t-shirt, ou sur un autre morceau de tissu et le coudre ensuite sur le t-shirt.

4- Quand votre image est transférée, vous pouvez la mettre en valeur en la brodant de fil de couleur ou en la décorant avec des perles ou des paillettes.

Voilà, le tour est joué, vous porterez un t-shirt unique. Cette technique peut s'appliquer facilement à tous vos vêtements. Laissez aller votre imagination et donnez un brin d'originalité à votre garde-robe.

Amusez-vous et jouer d'audace, votre petit t-shirt blanc ne passera plus inaperçu.

 

Adresses> www.onetop.ca

Pour voir et acheter les t-shirts du concours depuis ses débuts.

> www.ritaritarita.ca

Pour voir le travail de l'atelier multidisciplinaire de design Rita et acheter le t-shirt "gun holster".

> www.threadless.com

Des centaines de t-shirts à vendre.

> www.topshop.com

Pour voir la série Illustreight à laquelle Séripop a participé (Topshop ne livre pas au Canada).

> www.urbanoutfitters.com

Pour acheter les t-shirts de Masha D'yans, entre autres.

> www.masha.com

Pour avoir un aperçu plus complet du travail de Masha D'yans.

> huxdelux.blogspot.com

Le portfolio de Francis Ouellette.

> melindasantillanmoreno.blogspot.com

Le portfolio de Melinda Santillan-Moreno.

> www.artintheage.com

Des t-shirts, encore des t-shirts, dont un créé par Séripop.