Des femmes d'âge mûr choisissent de contourner la législation française pour satisfaire un désir d'enfant, à l'exemple du cas d'une quasi sexagénaire qui devrait accoucher prochainement de triplés à Paris, ce qui pose des problèmes à la fois médicaux et éthiques.

Cette Française de 59 ans, d'origine asiatique, a bénéficié d'un don d'ovocytes au Vietnam. Son accouchement est «imminent», selon la maternité de Port-Royal (hôpital Cochin) où elle est en observation dans le service du Pr Dominique Cabrol, comme l'a révélé jeudi Le Parisien.

Révélé également jeudi, un autre cas de grossesse multiple tardive, chez une femme plus jeune - elle a 44 ans - s'est conclu de manière dramatique : la mère est dans le coma depuis le 1er juin après avoir accouché de triplés au centre hospitalier universitaire d'Angers.

Cette patiente avait fait pratiquer une FIV (fécondation in vitro) en Grèce, «contre l'avis de médecins français», a indiqué une porte-parole du centre hospitalier. Ses enfants sont en «bonne santé».

La grossesse à 59 ans, déclenchée à l'étranger, n'aurait pu se produire en France : aussi bien l'Agence de la biomédecine que les spécialistes de la fertilité, interrogés par l'AFP, ont souligné que l'assistance médicale à la procréation (AMP) y est réservée aux couples en âge de procréer, soit en moyenne jusqu'à 48 ans pour une femme.

Elle est précédée d'un bilan médical et d'une réflexion sur les conséquences à long terme pour l'enfant.

De fait, la majorité des centres français autorisés fixent la limite d'âge de la receveuse à 42 ans, du fait du trop faible nombre de donneuses d'ovocytes. La Sécurité sociale ne rembourse plus les AMP après 43 ans.

«L'AMP en France est faite pour traiter l'infertilité, on ne veut pas en faire un nouveau mode de procréation pour des gens qui souhaiteraient avoir des enfants en dehors du cadre naturel», souligne le Pr François Thepot, directeur médical de l'Agence de la biomédecine.

«Le médecin (qui accueille la parturiente dans son service) n'est pas complice d'une action illégale, il prend en charge une situation d'urgence», souligne-t-il.

Pour les spécialistes, la future maman de 59 ans «est en danger».

Le Dr Joëlle Belaïsch-Allart, vice-présidente du Collège des gynécologues obstétriciens, souligne à cet égard le «risque de mortalité maternelle à l'accouchement, qui augmente avec l'âge».

«Les complications sont gérables jusqu'à 42-43 ans, mais ensuite on entre dans une zone de danger, a fortiori autour de la soixantaine : le coeur n'est pas fait pour ça», dit le Pr René Frydman (hôpital Antoine-Béclère), qui avait mis au monde en 1982 le premier bébé-éprouvette français.

Les risques existent aussi pour l'enfant, surtout dans le cas d'une grossesse triple : prématurité, mort in utero ou néonatale...

En France, on limite au maximum depuis quelques années le nombre d'embryons transférés, pour éviter ces grossesses multiples. «Mettre trois embryons, c'est une faute médicale», affirme le Pr Frydman.

Le Dr Belaïsch-Allart souligne qu'il y a «de plus en plus de demandes après 40 ans, voire entre 45 et 50 ans». «Ça nous inquiète clairement», dit-elle.

Le désir tardif d'enfant s'explique, selon elle, par «une meilleure maîtrise de la contraception, le développement des carrières féminines», et les «secondes unions dont on voudrait un enfant».

Une naissance de triplés aux abords de la soixantaine n'a a priori jamais été recensée, et pourrait, si elle aboutit favorablement, constituer une première.