L'Espagne étant l'un des deux pays à l'honneur, avec le Portugal, dans la dernière livraison du magazine SAQ Cellier, voici l'occasion rêvée pour vous livrer quelques plaisirs harmoniques avec les vins de ce pays actuellement dans la ligne de mire des têtes chercheuses d'aubaines, tout comme de grands vins européens.

J'ai eu l'occasion de déguster ces vins à quelques reprises, lors de mon récent séjour en Espagne, en mars, ainsi que depuis leur mise en marché au Québec. Enfin, comme il n'y a pas que les vins de Cellier dans la vie, j'y vais aussi de quelques harmonies avec une aubaine espagnole qui mérite tout autant le détour.

Premièrement, comme les excellents blancs espagnols ne sont pas légion au Québec, ne manquez pas de vous exciter les papilles avec le Nosis 2005 Rueda, Buil&Giné, Espagne (19,95$; 10 860 928), une belle nouveauté à base de verdejo. Vous y dénicherez un vin sec, exhalant des notes fraîches de menthe, de cerfeuil et de persil, avec un côté gazon fraîchement coupé, à la bouche droite, élancée, vivifiante et digeste au possible. Du très beau vin blanc, qui fera un malheur à table avec les plats dominés par le fenouil, la menthe, le persil, le cerfeuil ou le basilic.

Donc avec les plats estivaux comme les bruschettas au pesto, les moules au vin blanc et au fenouil frais, le taboulé de couscous à la menthe fraîche et aux crevettes, la salade de chèvre à l'huile de basilic ou les pasta au citron (asperges et basilic frais). D'ailleurs, pour une harmonie parfaite, utilisez une huile d'olive espagnole, comme la Carmen Medio (disponible, entre autres, chez Olives et Épices, au marché Jean-Talon), qui sent à plein nez le gazon frais et le cerfeuil, et qui, une fois versée sur une salade, des pâtes ou un poisson grillé, s'interpénètre formidablement avec ce vin.

Puis, chez les rouges, ne laissez pas filer le Protocolo 2005 Vino de la Tierra de Castilla, Dominio de Eguren, Espagne (12,90$; 10 754 439) - faites vite, car le 2006 va bientôt prendre la relève -, l'aubaine de l'heure, chez les vins offerts dans toutes les succursales sous la barre des 15$, pour se sustenter avec les grillades comme les saucisses grillées chipolatas ou le boudin noir grillé accompagné d'un sauté de poivrons rouges épicés au piment d'Espelette. Tout y est. De l'expressivité, de la finesse et du charme. Bouche gourmande et fraîche, avec éclat, texture et souplesse des tanins. Pas de bois à l'horizon, que des fruits rouges et des épices douces.

Du côté des vins rouges à base de monastrell, provenant de la zone d'appellation Jumilla, où réside le futur en matière de découvertes espagnoles, vous devez, pour soutenir vos recettes plus nourries et plus épicées, acquérir deux nouveautés des bodegas Luzón. Faites-vous la bouche en dégustant le Luzon 2006 Jumilla, Bodegas Luzón, Espagne (13,95$; 10 858 158). Vous découvrirez un vin gorgé de soleil, au fruité confit, sans trop, à la bouche pleine, dodue, texturée, aux tanins fondus et enrobés par une matière d'un moelleux et d'un charme évident. Les 35% de syrah qui complètent le monastrell permettent l'union belle avec des pâtes aux saucisses italiennes épicées, tout comme avec un foie de veau et un confit de betteraves et d'oignons rouges au vinaigre balsamique.

Par contre, pour votre épais T-bone grillé aux épices à steak ou pour le ragoût de boeuf épicé à l'indienne, deux plats épicés, il faut opter pour un vin espagnol de l'ère moderne, c'est-à-dire à l'accent très australien, au boisé dominant, aux saveurs confites à souhait, au corps à la fois dense, plein et enveloppant, comme c'est le cas du très bon Altos de Luzon 2004 Jumilla, Bodegas Luzón, Espagne (26,50$; 10 858 131). Vous serez charmé par ce vin à base de très vieilles vignes de monastrell, assemblées avec 25% de cabernet sauvignon et 25% de tempranillo.

Enfin, impossible de passer sous silence deux vins du Priorat, la région phare de la renaissance de l'Espagne viticole. Miguel Torres, le personnage clé dans l'évolution qualitative des vins d'Espagne, a, que tardivement, aussi posé pied dans le Priorat, suivant la ruée vers l'or débutée à la fin des années 80 par une jeune bande de loups assoiffés de défis, avec René Barbier père et Álvaro Palacios à leur tête. On peut dire que son nouveau Salmos 2005 Priorat, Miguel Torres, Espagne (29,95$; 10 857 690) est une réussite.

Pas parce qu'il fait partie des meilleurs crus du Priorat, ce qui n'est pas le cas, mais parce qu'il représente un excellent rapport qualité-prix dans une appellation où une flambée de demandes a fait bondir le prix à la pompe. Quoi qu'il en soit, avec le Salmos, qui s'accordera avec brio à des plats méditerranéens, vous dégusterez un vin au nez complexe, exhalant des notes minérales, ainsi que de bois de santal et d'encens, à la bouche au fruité démonstratif, sans trop, aux tanins fins, et non dénué de fraîcheur. Parfait pour envelopper un carré d'agneau farci aux olives noires et au romarin, baigné d'une sauce au porto LBV, tout comme des filets de boeuf à la fourme d'Ambert et au romarin.

Enfin, pour les amateurs de viande rouge confite, en sauce pénétrante, découvrez le quatre étoiles Les Terrasses 2005 Priorat, Álvaro Palacios, Espagne (34,75$; 10 931 562) - qui ne sera disponible qu'à compter du jeudi 5 juin -, une belle pointure signée Álvaro Palacios. Vous y dénicherez un 2005 richement aromatique, d'une étonnante minéralité, tout en étant débordant de fruits, à la bouche à la fois très fraîche, élancée, ramassée et généreuse.

Ne génère actuellement pas l'épaisseur veloutée du remarquable 2004, mais se montre d'une race et d'une virilité plus terriennes, plus minérales. Question de style. Après avoir été oxygéné deux heures en carafe, il s'assouplira et s'ouvrira sur le jarret d'agneau confit, escorté de lentilles du Puy au jus d'agneau parfumé à l'anis étoilé.

Harmonies espagnoles

- Bruschettas au pesto, moules au vin blanc et au fenouil frais, taboulé de couscous à la menthe fraîche et aux crevettes, salade de chèvre à l'huile de basilic ou pasta au citron (asperges et basilic frais).

Nosis 2005 Rueda, Buil&Giné, Espagne (19,95$; 10 860 928)

- Grillades (saucisses grillées chipolatas ou boudin noir et sauté de poivrons rouges épicés au piment d'Espelette).

Protocolo 2005 Vino de la Tierra de Castilla, Dominio de Eguren, Espagne (12,90$; 10 754 439)

- Pâtes aux saucisses italiennes épicées ou foie de veau et confit de betteraves et d'oignons rouges au vinaigre balsamique.

Luzon 2006 Jumilla, Bodegas Luzón, Espagne (13,95$; 10 858 158)

- T-bone grillé aux épices à steak ou ragoût de boeuf épicé à l'indienne

Altos de Luzon 2004 Jumilla, Bodegas Luzón, Espagne (26,50$; 10 858 131)

- Carré d'agneau farci aux olives noires et au romarin ou filets de boeuf à la fourme d'Ambert et au romarin.

Salmos 2005 Priorat, Miguel Torres, Espagne (29,95$; 10 857 690)

- Jarret d'agneau confit et lentilles du Puy au jus d'agneau parfumé à l'anis étoilé.

Les Terrasses 2005 Priorat, Álvaro Palacios, Espagne (34,75$; 10 931 562)

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François Chartier est l'auteur du livre d'harmonies vins et mets À table avec Chartier, aux Éditions La Presse. On peut lui envoyer des questions via le blogue internet www.francoischartier.typepad.com ou par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal H2Y 1K9.