Au début des années 90, si on avait demandé à un immigrant de Hong-Kong, fraîchement installé à Brossard, s'il était fier de la Chine, on aurait eu droit à un froid haussement d'épaules. Mais les Olympiques ont changé la donne. Un vent de fierté souffle dans les voiles de la diaspora.

Dans la petite salle de réunion de Brossard, campée dans un centre commercial asiatique du boulevard Taschereau, l'atmosphère est à la fête. Sur le mur, les effigies des cinq mascottes des Jeux olympiques semblent partager l'enthousiasme des hommes d'affaires d'origine chinoise. Ils ne tarissent pas d'éloges à l'égard de Pékin.

«C'est la première fois qu'une cérémonie d'ouverture atteint ce niveau. Je suis canadien, mais je suis vraiment fier d'être originaire de Chine», dit Michel Wong Kee Song, le président d'une agence de voyages.

«En tant que Sino-Canadien, je suis très fier de voir la Chine tenir les Jeux avec un tel professionnalisme. C'est incroyable de voir comment ce pays s'est ouvert rapidement», renchérit Raymond Tsim, patron d'une agence immobilière affiliée à Royal Lepage.

«Beaucoup de gens ne veulent voir que le négatif dans les Jeux. Nous, nous voyons le positif. La Chine a démontré qu'elle est sur un pied d'égalité avec l'Occident», ajoute à son tour Warren See, coordonnateur au Québec du World Journal, un quotidien chinois distribué à la grandeur du Canada.

Amour retrouvé

Il y a 10 ans, les trois hommes étaient loin de donner autant de crédit au régime communiste. Raymond Tsim a quitté Hong-Kong dans les années 80 pour échapper aux turbulences politiques qui entouraient son île. Warren See l'a suivi en 1994, trois ans avant que Hong-Kong ne soit rétrocédé à la Chine. Michel Wong Kee Song, lui, a immigré de l'île Maurice.

Tous trois ont été parmi les premiers à s'établir à Brossard pour faire leur vie. «Brossard m'a toujours rappelé ma vie à Hong-Kong. Prendre le pont Champlain pour aller au centre-ville de Montréal me ramène à l'époque où je devais prendre le traversier pour me rendre au travail le matin à Hong-Kong», se remémore Raymond Tsim.

Ils n'ont pas été les seuls à être séduits par cette banlieue de la Rive-Sud. Beaucoup d'hommes d'affaires de Hong-Kong se sont joints à eux en débarquant au Canada. Récemment, des immigrants de la Chine continentale - choisis pour leurs compétences professionnelles - ont jeté leur dévolu sur Brossard. Aujourd'hui, forte de plus de 8000 âmes, la communauté chinoise compte pour 12% de la population de Brossard.

Et sa présence ne passe pas inaperçue dans le paysage. Sur le boulevard Taschereau, une vingtaine de boutiques asiatiques s'entassent dans deux centres commerciaux. «On ne le recommande à personne, mais quelqu'un pourrait vivre à Brossard en ne parlant que mandarin ou cantonais», sourit Raymond Tsim.

Les banques du secteur ont des employés et des gérants qui parlent chinois, les restaurants sont bondés de membres de la communauté chinoise à l'heure du lunch comme en soirée. Plusieurs épiceries, spécialisées en produits asiatiques, desservent aussi cette population aisée.

Bientôt, les propriétaires des épiceries Kim Phat ouvriront le plus grand complexe commercial asiatique au Québec sur le boulevard Taschereau. Un restaurant de 600 places, qui pourra accueillir de grands événements, s'y établira.

«Parmi les Chinois, la notoriété de Brossard est telle que beaucoup de gens m'appellent de Hong-Kong ou de Chine continentale et me demandent de leur trouver une maison. Quand ils arrivent, ils ramassent leurs clés», témoigne Raymond Tsim, qui vend des maisons sur la Rive-Sud depuis près de 20 ans. Il connaît bien les goûts de sa clientèle chinoise nantie. «Il y a certaines maisons que j'ai vendues trois ou quatre fois à des familles chinoises», donne-t-il en guise d'exemple.

Les trois hommes d'affaires croient que la population chinoise de Brossard grandira vite au cours des prochaines années alors que les Sino-Montréalais, qui travaillent d'arrache-pied pour accéder à un petit bout du rêve américain, continueront de s'enrichir. «Je ne connais personne dans la communauté, surtout parmi les immigés de la première génération, qui travaille moins de 60 ou 70 heures par semaine», remarque Warren See.

Mais dans la même phrase, il avoue que les Olympiques le font peut-être mentir. Nombreux sont les membres de la diaspora chinoise qui ont mis quelque peu leur travail de côté pour regarder les prouesses des athlètes chinois à la télévision. Plusieurs passent des soirées entières sur la place Sun Yat-Sen dans le Chinatown ou dans le restaurant Ruby Rouge adjacent. «Quand un Chinois gagne une médaille, le restaurant en entier se soulève», se réjouit Michel Wong Kee Song.

Cette fierté retrouvée, croient les hommes d'affaires, pourrait transformer à long terme la diaspora chinoise. Cette force vive, évaluée à plus de 36 millions de personnes, semble plus soudée que jamais. En Afrique. En Asie. Et à Brossard.

Carnet d'adresses

- Restaurant Foo Wor, 8080, boulevard Taschereau. La Mecque des dim sums.

- Restaurant Xin Jing Hua, 8050, boulevard Taschereau. Une autre adresse prisée par la communauté chinoise de Brossard.

- Restaurant Jardin du Sud. Un café typique de Hong-Kong, dans le centre commercial du 8080, boulevard Taschereau.x

- Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, principale organisation de la communauté chinoise. www.sinoquebec.ca. Présentement au 45, Place Charles-Lemoyne à Longueuil, il déménagera bientôt à la nouvelle Place Kim Phat.

- Épicerie Kim Phat. Il y a présentement deux épiceries Kim Phat à Brossard - la première au 8080, boulevard Taschereau et la seconde au 1875, avenue Panama. À l'automne, elles seront toutes deux remplacées par une méga-épicerie au 7209, boulevard Taschereau. Propriété d'une famille chinoise du Cambodge, les épiceries Kim Phat se spécialisent dans les aliments asiatiques.