En Europe, 90% des consommateurs sont prêts à payer plus de 30$ pour des verres fumés. En Amérique du Nord, cette proportion chute à 10%.

Cette statistique, tirée du plan d'affaires de la chaîne de lunettes de soleil de luxe Ilori, lancée l'an dernier par le géant italien Luxottica, illustre à merveille les espoirs des fabricants et des vendeurs de lunettes. Ils aspirent à faire des lunettes fumées griffées les prochains «accessoires», incontournables pour quiconque veut être à la mode. En d'autres mots, ils espèrent accomplir ce que les fabricants de sacs à main ont réussi dans la dernière décennie.

Au Québec, la tendance est palpable même s'il y a un certain retard sur les États-Unis, selon Stéphane Gosselin, de chez Roger Gosselin Opticien, sur le boulevard Taschereau. «Les clients sont davantage conscients de la mode, ils hésitent moins à dépenser pour des lunettes griffées, dit M. Gosselin. Mais comme il n'y a pas beaucoup d'endroits où acheter des lunettes fumées de luxe sans prescription, alors qu'il y en a des tonnes pour les lunettes à bon marché, le changement est long à venir.»

Les firmes confirment l'évolution du marché. Le nombre de lunettes de soleil vendues aux États-Unis a stagné l'an dernier, mais leur valeur a grimpé de 10%. En comparaison, la valeur des sacs à main vendus a chuté de 14%. Cité dans le New York Times, un analyste du groupe de recherche marketing NPD a expliqué que les sacs avaient épuisé leur capital mode, et que les lunettes de luxe coûtent beaucoup moins cher que les sacs griffés.

La tendance coïncide avec la fin de la mode des lunettes d'abeille popularisées par les jumelles Olsen, du moins pour la clientèle branchée, précise le quotidien new-yorkais.

«En Europe, les lunettes fumées sont vendues depuis longtemps dans les magasins de vêtements d'été», explique James Spina, éditeur du magazine spécialisé new-yorkais 20/20, dont le nom est tiré de la description ophtalmologique d'une vue parfaite.

«Ici, elles étaient reléguées aux pharmacies, où il n'y a pas de personnel spécialisé pour promouvoir la vente des marques. Mais ça change. Et depuis deux ans, le seul secteur en progression dans les accessoires de mode est la lunette fumée.»

Luxottica a déjà deux chaînes de lunettes aux États-Unis, Sunglass Hut et LensCrafters, et vient d'acquérir pour 2,1 milliards US le fabricant américain de lunettes fumées Oakley.

La compagnie italienne a déjà réussi un virage vers le moyen et haut de gamme avec LensCrafter, acquise en 1995, qui se spécialisait alors dans les modèles au rabais.