Après six jours d'intenses débats, la conférence mondiale sur le sida prend fin aujourd'hui à Mexico. Durant cette semaine où tous les aspects de la maladie ont été évoqués, les problèmes de discrimination ont été au coeur des discussions.

Certains pays, comme la Chine et les États-Unis, entre autres, ont annoncé qu'ils cesseraient de fermer leurs frontières aux voyageurs qui vivent avec le VIH.

Malgré ces minces améliorations, les personnes séropositives continuent de subir de la discrimination. Le Québec ne fait pas exception.

Née en Haïti, Marisa, qui a aujourd'hui 32 ans, a immigré au Canada au début de l'an 2000. Enceinte, elle a appris qu'elle était séropositive en passant des tests à l'hôpital Sainte-Justine. Depuis, elle vit dans le secret.

Personne dans son entourage, à Montréal-Nord, ne sait qu'elle est atteinte. Seul son mari le savait. Il a vécu quelque temps avec Marisa, mais il l'a quittée il y a quatre ans. «Il me disait que ce n'était pas pour ma maladie, mais je ne le crois pas», dit-elle.

Désormais seule, Marisa trime dur pour faire vivre sa famille. Mais la tâche n'est pas facile. Et elle hésite à demander de l'aide, car elle ne veut pas divulguer sa maladie. «Dans ma communauté, le VIH est tabou. C'est une maladie déshonorante. C'est pire pour les femmes. Celles qui sont atteintes sont perçues comme des putes. Je ne peux vraiment pas le dire, souffle Marisa. Beaucoup de femmes immigrées ont le VIH, mais c'est plus difficile de le dire dans nos petites communautés.»

Québécoise de souche, Diane craint elle aussi la discrimination. Avec ses cheveux gris, son large sourire et son dynamisme, Diane a l'air en parfaite santé. Âgée de 63 ans, elle travaille dans une clinique médicale et fait du bénévolat à la Maison Plein Coeur, un organisme d'aide aux personnes atteintes du VIH.

Diane a appris qu'elle était atteinte en 1986. Pendant près de 10 ans, elle a continué d'occuper un emploi chez Bell et n'a parlé de sa maladie à personne. Ce n'est que vers la fin des années 90 qu'elle a enfin brisé le silence. «Avant, j'avais trop peur des préjugés. Il faut dire que, quand j'ai dit à mon médecin que j'étais séropositive, il a refusé de continuer à me suivre, raconte-t-elle. À partir de ce moment, j'ai été craintive.»

Avec l'avènement de la trithérapie, en 1996, l'espérance de vie des gens porteurs du VIH a considérablement augmenté. Diane fait partie de la première génération de Québécois séropositifs qui dépassent le cap de la soixantaine.

Pour ces aînés, les tabous entourant le VIH sont un gros problème. «Chez les personnes âgées, la peur du sida est très vive. Je vis dans une maison pour retraités et je n'ose pas dire mon état», dit Paul, un Montréalais séropositif âgé de 60 ans.

Selon Diane, les centres pour personnes âgées devraient commencer à donner des cours sur le VIH. «Dans l'état actuel des choses, si je devais aller dans un centre, je n'oserais pas avouer mon état par peur d'être rejetée», dit-elle.

Dans le milieu gai, pourtant très sensibilisé à la problématique du sida, les préjugés sont tout aussi vifs.

Sylvain, 42 ans, a contracté la maladie il y a trois ans. Depuis, il est sous trithérapie. La fatigue et les malaises qui accompagnent le traitement l'ont forcé à vendre sa boulangerie artisanale. Il est aujourd'hui intervenant pour différents organismes de prévention du VIH à Montréal.

Sylvain déplore que, dans la communauté gaie, le VIH soit l'objet d'un double discours. «Le sida ne fait plus peur. C'est même devenu un facteur d'excitation sexuelle. Les gens ont des relations sexuelles non protégées et ça leur donne un kick de prendre le risque d'être infectés», dit-il.

Pourtant, la discrimination touchant les homosexuels séropositifs est très forte. «On est perçus comme moins trippants. Je me suis déjà fait dire que j'étais devenu plate parce que je ne pouvais plus avoir de relations sexuelles non protégées, déplore Sylvain. Les gars prennent des risques, mais après ils sont victimes de préjugés.»

Peu importe leur milieu, les séropositifs que La Presse a rencontrés cette semaine sont unanimes: la société québécoise comprend de mieux en mieux le VIH.

Mais pour les personnes atteintes, la discrimination se vit encore au quotidien. La preuve: de la dizaine de personnes que La Presse a interrogées, Sylvain Beaudry fut le seul à accepter d'être photographié à visage découvert.