Québec devrait annoncer à l'automne la mise sur pied d'une première piquerie supervisée, a appris La Presse.

Le directeur national de la santé publique, Alain Poirier, estime qu'un centre similaire à celui d'InSite à Vancouver fait partie des services à offrir à la population pour réduire les méfaits liés à la consommation de drogue.

«Je pense qu'il faut arriver avec des annonces et quelque chose de plus concret dès cet automne», a affirmé hier le Dr Poirier. Le projet, inscrit au programme national de santé publique 2003-2012, a récemment pris de l'importance. «Le débat à Vancouver nous a aidés à faire avancer le dossier», a-t-il indiqué.

Vancouver dirige depuis cinq ans le seul centre d'injection supervisé en Amérique du Nord, InSite. La Cour supérieure de la Colombie-Britannique a jugé en mai que ce service constitue un traitement médical protégé par la Charte des droits et libertés. Le gouvernement Harper a cependant l'intention d'interjeter appel.

«L'expérience de Vancouver est fructueuse et il ne faudrait surtout pas arrêter. On veut passer à une étape de plus. Il y a beaucoup d'usagers de drogues intraveineuses au Québec», poursuit le Dr Poirier.

Des équipes du gouvernement ont exploré différents «modèles» qui existent notamment en Suisse, en Espagne et en Australie. «Au départ, on veut y aller doucement, convaincre la population, les décideurs municipaux, les commerçants», ajoute-t-il.

Que des bénéfices

Le centre d'injection supervisé permettra aux consommateurs de drogues de "se piquer" en présence d'un personnel médical prêt à intervenir en cas d'urgence. À InSite, il y a eu près de 900 surdoses en cinq ans mais aucune d'entres elles n'a été mortelle.

Moins d'injections dans des lieux publics, moins de risques de contamination mais aussi une augmentation du nombre de personnes dirigées vers des ressources médicales, y compris en désintoxication, sont au nombre des retombées positives d'InSite, selon le médecin Evan Wood, qui suit InSite depuis ses débuts.

"Au lieu de se retrouver dans les ruelles où il y a de la violence et des accidents de surdoses, les consommateurs sont dans un endroit bien précis, ils peuvent avoir de l'aide médicale, l'hôpital n'est pas loin s'il y a une complication", ajoute le directeur national de la santé publique.

"L'objectif d'InSite, c'est que les consommateurs aillent en désintoxication et arrêtent de consommer. Il ne faut pas oublier que la réduction des méfaits inclut l'abstinence. Il ne faut pas juste les entretenir dans leur consommation", estime un ex-travailleur de rue, Raymond Viger.

Les détracteurs de piqueries supervisés estiment pour leur part qu'aider les toxicomanes à se piquer, ce n'est pas les soigner. Le Dr Donald Hedges, médecin affilié au Réseau canadien de prévention des drogues, croit qu'en Colombie-Britannique, il manque de lits en désintoxication. Il affirme qu'il faudrait plutôt investir dans de nouveaux lits avant d'aider InSite.

Ébauche

Quelle forme prendrait le projet de piquerie supervisée au Québec? "La direction de la santé publique va regarder avec l'agence et les centres de services sociaux en vertu de la clientèle et des besoins", répond le Dr Poirier qui ne souhaite pas s'avancer sur les détails.

Le Dr Poirier estime que les piqueries supervisées deviendraient rapidement rentables. "Je n'ai pas fait le calcul mais cela ne prendra pas beaucoup de cas prévenus d'hépatite C ou de VIH pour qu'on rentre dans notre argent."

UTILISATEURS DE DROGUES INJECTABLES

Montréal

23 000 usagers de drogues intraveineuses estimés

Parmi les 5000 cas étudiés par l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal :

Moyenne d'âge :

Femmes : 26 ans

Hommes : 33 ans

86% cocaïne

51% héroïne

Québec

787 centres où l'on distribue du matériel d'injection

D'avril 2005 à mars 2006 :

104 241 visites d'usagers dans des centres de distribution

1,4 million de seringues distribuées.