Habituée d'accueillir à la Maison de naissance de Nicolet des couples désireux de bénéficier de services pour une grossesse, un accouchement et un suivi postnatal à leur image, Mme Bergeron a rapidement compris, une fois à Inukjuak, qu'elle allait accompagner des femmes et des hommes qui n'ont pas les mêmes besoins, la même culture, la même réalité surtout.

«À 16 ans, une adolescente a souvent eu son premier bébé ou elle est sur le point de l'avoir. Une famille comprend facilement entre 6 et 12 enfants», résume la sage-femme avant de souligner que la contraception y est quasi inexistante alors que l'avortement est une option totalement rejetée.

«Là-bas, si tu deviens enceinte et que tu ne veux ou ne peux pas garder ton bébé, il sera adopté par tes parents, ta soeur, etc.» poursuit Mme Bergeron avant de confirmer que la violence conjugale, la consommation de drogues et d'alcool constituent malheureusement un fléau au sein de la communauté.

«Un homme est très peu impliqué dans la grossesse. Lors de la naissance, il entre et sort de la pièce, ne sachant pas trop comment gérer la douleur de sa conjointe. Ou encore, il reste carrément à la maison avec ses autres enfants. D'ailleurs, j'ai déjà vu une femme arriver au dispensaire en quatre roues pour venir accoucher. Elle est repartie deux heures plus tard, en quatre roues, avec son bébé!» raconte la sage-femme.

Certes, la dame végétarienne a dû se faire à l'alimentation de ses hôtes grands consommateurs de viande. «N'essaie pas de trouver des lentilles là-bas», ajoute en riant Mme Bergeron qui rappelle que tout coûte plus cher au nord, à preuve, cette livre de beurre qu'elle s'est procurée au coût de 18 $.

«Lorsque j'y retournerai, je vais me faire livrer de la bouffe par la poste», se propose la sage-femme qui a également dû s'habituer à la rareté de l'eau potable et de l'eau chaude.

Malgré toutes ces difficultés, elle rêve déjà de retourner à Inukjuak où les gens vivent dans le moment présent et où, révèle-t-elle encore avec émotion, les femmes lui permettent exceptionnellement d'entrer en contact avec leur âme et celui de leur bébé à naître.

«Là-bas, je travaille comme j'ai toujours voulu travailler», indique Mme Bergeron dont le prochain mandat consistera à enseigner sa profession aux sages-femmes dites communautaires, celles qui ont appris de génération en génération. Si le programme se concrétise, elles pourraient éventuellement être reconnues par l'Ordre des sages-femmes du Québec.