«2006, c'est très beau, mais inégal», expliquait le mercredi 12 mars Renaud de Villette, responsable des vinifications au Domaine Marquis D'Angerville, de Volnay.

La scène se passait à Beaune, à la cuverie de la Maison Champy, rue du Grenier à sel, pendant cet événement exceptionnel que sont Les Grands Jours de Bourgogne.

À la fois producteur et négociant, Champy et son propriétaire Pierre Meurgey y avaient réuni une cinquantaine de viticulteurs réputés (Étienne Sauzet, Bruno Clair, etc.) qui, pendant deux jours, ont fait goûter de leurs vins.

C'était l'occasion comme jamais de se familiariser avec ce tout nouveau millésime qu'est 2006.

Car, bien sûr, de même qu'aux multiples dégustations officielles tenues par Les Grands Jours, tous ces viticulteurs faisaient déguster de leurs 2006, blancs et rouges. Certains vins étant déjà en bouteilles, d'autres toujours en fûts, ou encore en cuves - en masse, disent les Bourguignons, c'est-à-dire après l'élevage en fûts, quelque temps avant la mise en bouteilles.

Ainsi, le vin a le temps de se stabiliser, et devient homogène.

Je venais donc de goûter, en présence de Renaud de Villette, son Volnay 1er cru Les Frémiets 2006, déjà en bouteilles.

D'une parfaite élégance, fin, très serré, c'est, tout bonnement, un grand vin, et le meilleur des Volnays 2006 que j'ai eu l'occasion de goûter pendant ce séjour en Bourgogne.

Autres merveilles: le Gevrey-Chambertin 1er cru Clos Saint-Jacques 2006 Domaine Bruno Clair, du niveau de grands crus, dense, sérieux, et qui est également un grand vin; le Chambertin 2006 Rossignol-Trapet (en fûts), mûr et dense, le Chambertin Clos de Bèze 2006 Drouhin-Larose, en bouteilles celui-là, tout aussi sérieux, et qui sont, de même, de grands vins.

Mais il y a beaucoup - beaucoup d'autres très beaux rouges 2006, tels ceux de Hubert Lignier, de Morey Saint-Denis, chez qui j'ai goûté, dans son chai, une gamme exceptionnelle de grands bourgognes rouges 2006, tous en fûts en ce moment.

Petit domaine de quelque huit hectares, celui de Hubert Lignier a produit ainsi, en 2006, un magnifique Chambolle-Musigny Villages, un grand Charmes-Chambertin, avec, au sommet de l'échelle, son Morey 1er cru Vieilles Vignes Façonnières, et puis, sur le dernier et plus haut échelon, son Clos de la Roche 2006, absolument irrésistible. Tous ces vins débordant d'un fruit superbe, pleins d'éclat, et d'une texture très serrée, quoique sans dureté aucune.

Viticulteur sans prétention, modeste et sachant s'effacer devant ses vins (ils parlent pour lui!), Hubert Lignier disait ce soir-là, dans son chai, que «2006 est un millésime assez complet, qui a de la rondeur».

Autrement dit, les amateurs de bourgognes, blancs et rouges, devront éviter l'erreur de négliger les 2006... à cause de la notoriété de 2005, jugée exceptionnelle.

Car (qui l'ignore?), il est fréquent que de très grands millésimes fassent ombrage à celui qui suit, malgré toutes les qualités que peut avoir ce dernier.

En 2005, tout alla comme sur des roulettes, a-t-on souvent dit, les fruits étaient sains, en parfait état, et donc sans maladie aucune. Bref, la Bourgogne eut la partie facile!

Il en alla différemment en 2006, car les raisins furent souvent attaqués par des maladies de la vigne.

«2006 est un millésime où il a fallu beaucoup travailler (...) Il y a eu des maladies, il a fallu trier, on ne savait pas trop ce que ces raisins allaient donner», expliquait à ce propos Nadine Gublin, oenologueogue et responsable des vinifications au Domaine Jacques Prieur.

Les résultats? Tous trois en cuves pour l'instant, le Clos Vougeot 2006 de ce producteur, mais également l'Echeyzeaux et le Musigny, compacts, denses, méritent à mon sens le titre suprême de grands vins.

Même chose, en blanc, pour ce qui est du Chevalier-Montrachet 2006 Domaine Prieur, au boisé insistant, et en même temps d'une distinction inimitable.

«2006, en blanc, est un énorme millésime», disait ce soir-là Nadine Gublin.

Pierre Meurgey, de Maison Champy, qui a produit également un très beau Chevalier-Montrachet 2006, plus délicat et moins boisé que le précédent, décrit en ces termes les blancs 2006: «Très beaux, friands, peu acides.»Pour ce qui est des rouges, lui aussi indique, comme Nadine Gublin, qu'il fallut «un tri poussé».

«Beau fruit, de la structure, des tannins, mais pas agressifs, ajoutait-il. Les 2006 rouges seront meilleurs que les 2005 au cours des trois-quatre prochaines années.»

Car, juge-t-on, beaucoup de bourgognes rouges 2005 (comme d'ailleurs les meilleurs bordeaux 2005) se referment en ce moment et se présentent donc tout d'un bloc.

Volnay

En fait, de tous les vins goûtés cette semaine-là (plus de 300), les seuls qui m'ont semblé assez ingrats, peu expressifs et manquer de chair, sont des Volnays.

«Ils étaient explosifs en fûts, et là...» disait d'un air plutôt découragé Jean-Pierre Charlot, du Domaine Joseph Voillot, en faisant déguster ses vins mis en bouteilles 10 jours plus tôt.

Bref, il n'est pas exclu que ce soit dans bien des cas le choc consécutif à la mise en bouteilles (le vin a alors tendance à se refermer) qui explique tout cela.

Pourtant, d'autres Volnays encore en fûts n'étaient guère plus réussis...

Quoi qu'il en soit au sujet de cette appellation, il ne fait pas de doute que 2006 aura donné en Bourgogne - et tant mieux - beaucoup de très beaux vins, blancs et rouges.

Autres exemples de blancs 2006 éminemment réussis: les Meursaults 2006 Rémi Jobard (il en fait plusieurs, certains comme négociants d'autres comme producteur), avec tout au haut de l'échelle son Meursault 1er cru Les Genevrières, au boisé en retrait, équilibré, et d'une impeccable distinction.

Par ailleurs, il faut noter que tous les vins qui précèdent ne sont pas vendus au Québec, ou le seront (peut-être) un jour.

Enfin, on ne trouve pour l'instant sur notre marché, en bourgognes rouges, que des vins d'appellation Bourgogne, tel le Bourgogne 2006 Vieilles Vignes Albert Bichot dont j'ai fait état précédemment, plutôt léger et au boisé très discret (10 667 474, 15,85$, ** 1/2.

Il y a davantage de blancs 2006, notamment des Chablis, dont par exemple, aussi de Bichot, son séduisant Chablis 2006, fin et subtil (17 897, 22,90$, HHH 1/2, ou encore, tout aussi typé et séduisant, le Chablis 2006 Joseph Drouhin (199 141, 23,95$, *** 1/2, deux vins dont il a également été question récemment dans cette page.