Dans son plus récent numéro, Cellier, le magazine que publie la SAQ en collaboration avec le groupe Transcontinental, se penche sur les moyens de conservation des bouteilles entamées.

Car il est fréquent (surtout si l'on vit seul) qu'on ne boive qu'une demi-bouteille de vin, ou même un quart de bouteille seulement.

Que faire en pareil cas?

Pour tenter de tirer les choses au clair, la revue a procédé à deux tests. L'un portant sur des vins conservés selon divers moyens pendant trois jours, et, en second lieu, pendant sept jours.

Pour chaque test, les vins étaient dégustés à l'aveugle, avec aussi une bouteille du même vin tout juste débouchée devant servir de point de comparaison, et donc d'étalon.

Les conclusions de la revue?

Elles vont nettement à l'encontre d'une méthode que je préconise et utilise personnellement depuis plus d'une vingtaine d'années, à savoir l'utilisation de demi-bouteilles.

Méthode, je le rappelle, qui consiste en ceci. Dès que la bouteille dont on s'apprête à boire une partie est débouchée, on en remplit une demi-bouteille bien propre, qu'on bouche avec un bouchon de liège standard en bon état. (Soit dit en passant, il faut au préalable s'assurer que la face du bouchon qui se trouvera à l'intérieur de la bouteille - le miroir - soit sain et dépourvu d'odeurs suspectes.)

On garde ensuite cette demi-bouteille debout au réfrigérateur (le froid contribue à une meilleure conservation), et on la boit dans les jours qui suivent.

Depuis plus de 20 ans, donc, j'emploie cette méthode pour goûter de nouveau les vins que je considère comme les meilleurs parmi ceux que je déguste quotidiennement.

Mais - il y a un mais - , normalement je les goûte de nouveau dans les deux ou trois jours qui suivent.

Car, comme avec toutes les autres méthodes possibles (pompe Vacu Vin, gaz inerte, etc.), le laps de temps pendant lequel le vin garde en demi-bouteilles toutes ses qualités est très variable, selon les vins.

Il arrive ainsi -toujours d'après la méthode de la demi-bouteille- qu'un vin rouge ait perdu un peu de sa fraîcheur au bout d'une semaine, alors que tel autre vin rouge oublié au frigo s'avère parfaitement intact après trois ou quatre semaines.

La revue, elle, a testé la méthode de la demi-bouteille seulement dans le cas d'une période de conservation de sept jours, et non pas pour celle de trois jours.

C'est un premier bémol, à mon sens.

Deuxième bémol, les tests ont été menés avec deux vins seulement, tous deux de Californie. Un Chardonnay, et un Cabernet Sauvignon.

Or, je le répète pour en avoir fait de multiple fois l'expérience, le laps de temps pendant lequel le vin conserve en demi-bouteilles ses qualités, est très -très- variable d'un vin à l'autre.

Les conclusions de la revue, donc?

«Après sept jours», la demi-bouteille de Chardonnay se classait au dernier rang des cinq méthodes utilisées, et même derrière le vin gardé sans protection aucune, «la bouteille entamée déposée telle quelle, debout au frigo, simplement rebouchée», écrit l'auteur de l'article.

Impossible?

En fait, il est très possible que le vin de la bouteille laissée ainsi «sans protection aucune» ait semblé, à l'aveugle, plus expressif que le vin de la demi-bouteille.

Meilleur? Je me permets d'en douter.

Même chose, selon le magazine, pour le vin de la demi-bouteille de rouge qui, après sept jours, est apparu moins bon que les vins gardés selon les quatre autres méthodes.

Referait-on le test avec un autre vin -par exemple un Bordeaux Supérieur, style Château de Parenchère ou Domaine de l'Île Margaux, lesquels ne bronchent pas en demi-bouteilles-, les résultats auraient été, à mon avis, bien différents.

Bref, mes amis de Cellier me pardonneront de ne pas tenir leurs conclusions pour paroles d'Évangile... et de continuer, comme toujours, à remplir des demi-bouteilles, afin de goûter de nouveau les vins qui me semblent les plus réussis.

Un Rioja

J'ai goûté ainsi à deux reprises, grâce à la méthode de la demi-bouteille, cet irrésistible vin rouge espagnol qu'est le Rioja 2004 Graciano Ijalba, dont mon collègue d'en face vantait les mérites la semaine dernière.

Fait uniquement de Graciano, bien que ce soit le cépage le moins cultivé dans la Rioja (0,5% du vignoble, selon la maison Ijalba), c'est un vin pourpre foncé, un peu bleuté, et dont le séduisant bouquet de fruits noirs, mais avec aussi des nuances de fruits rouges, rappelle selon moi les très bons vins de Pinot noir de Nouvelle-Zélande.

La bouche est à l'avenant, charnue, nettement plus que moyennement corsée, avec des saveurs pleines d'éclat, de fruits noirs surtout, et des tannins aimables, bien enrobés, le tout de facture plutôt unidimensionnelle, mais d'un fruité au charme certain. Très bon.

Enfin, des trois ou quatre millésimes que j'ai goûtés de ce vin, c'est, à mon sens, incontestablement le meilleur.

S, 10 360 261, 20,45$, ***,$$ 1/2, 2007-2010?

Un Corbières

Moins cher celui-là, le Corbières 2005 Château Capendu fut bu trois jours après avoir été dégusté.

Pour le protéger jusque-là, et comme la bouteille restait à peu près pleine après l'avoir goûté, j'ai utilisé la méthode du gaz inerte, comme je le fais personnellement pour toutes les bouteilles dégustées, mais dont je n'ai pris, dans ce but, qu'une petite quantité.

Méthode qui est la suivante, et dont l'article de Cellier fait également état. En bref, on injecte dans la bouteille débouchée un gaz inerte (c'est surtout de l'azote), lequel remplace ainsi l'oxygène qui s'y trouverait normalement et empêche donc le vin de s'oxyder pendant un certain temps. (La seule marque de ce produit fort utile, le Private Preserve, de Californie, disponible dans les boutiques spécialisées, mais également dans plus de 200 succursales de la SAQ, coûte 13,95$ le contenant, numéro de code 710 343. Selon le fabricant, un contenant suffit à la protection d'environ 120 bouteilles.)

Donc, protégé ainsi pendant trois jours, le Corbières en question, gardé au surplus au réfrigérateur, était resté impeccable. D'un pourpre passablement soutenu, mais moins coloré que le Rioja, son bouquet, légèrement épicé (le bois), est tout en fruits rouges, et la bouche suit, d'une assez bonne concentration, mais moins que le Rioja, avec des saveurs franches et un bon goût de fruit, et encore là des tannins sans rugosité aucune. Le servir assez frais, aux alentours de 14 degrés.

Très réussi comme Corbières, bien que ce ne soit pas un vin d'une grande complexité, il est élaboré avec surtout du Carignan (50%), plus de la Syrah (30%) et du Grenache (20%) et est élevé neuf mois en fûts.

S, 706 218, 15,85$, ***,$ 1/2, 2007-2009?

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Chablis 2005 Domaine Séguinot-Bordet. Est-ce le millésime? Plus coloré que la plupart des Chablis, son bouquet, non boisé, mûr, très Chardonnay, est on ne peut plus expressif. Tout aussi mûr en bouche, il s'agit d'un Chablis très goûteux, et comme atypique pour cette raison. Savoureux. S, 926 899, 22,90$, ** 1/2,$$ 1/2, 2007-2009.

Chianti Classico 2005 Berardenga Fattoria Di Felsina. Très beau chianti, au bouquet... pimpant, de fruits rouges, relevé par un boisé un brin rustique, comme de châtaignier. Nettement plus que moyennement corsé, tannique sans dureté, on retrouve en bouche le même éclat qu'au nez. S, 898 122, 24,20$, ***,$$$, 2007-2009.

Saint-Peray 2004 «La Belle de Mai» Jean-Luc Colombo. Vin blanc de la vallée du Rhône, de Roussanne et de Marsanne, d'un jaune prononcé, au bouquet de grande ampleur, profond, de fruits confits, avec beaucoup de bois mais également tout le fruit voulu pour y tenir tête. Dense, corsé, son boisé est également très présent en bouche, mais, encore là, il y a tout le fruit voulu pour y faire face. Équilibré et ambitieux, donc, car on se rapproche de vins d'appellations plus prestigieuses. S, 10 678 190, 28,65$, *** et même *** 1/2,$$$ 1/2, 2007-2009?

Costières de Nîmes 2006 VF «Lasira». Vin rouge de la vallée du Rhône, de Grenache (60%) et de Syrah (40%), très coloré, au bouquet de bonne ampleur, de fruits noirs, et que domine la Syrah. Élevé huit mois en fûts et en grands tonneaux (des foudres), bien en chair, tannique, c'est un vin néanmoins plutôt unidimensionnel, et même, m'a-t-il semblé, un brin lourdaud. À prix doux. C, 10 540 684, 12,85$, ** ,$ 1/2, 2007-2008.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Vin d'Espagne élaboré avec à la fois du Tempranillo et du Grenache, le Carinena 2003 Duque de Medina, d'ampleur et de corps moyen, au boisé passablement marqué et tendant vers des odeurs de sciure de bois chaude (il est élevé trois mois en fûts de chêne américain, d'où ces arômes), peu tannique et aux saveurs de fruits rouges, compte parmi ces vins, vendus à prix doux, qui font de bons rouges de tous les jours. Mais il ne faut pas craindre les notes épicées-boisées bien présentes, comme je le disais. À noter, enfin, que le millésime dont il est question ici est le 2003, et non pas le 2002 qu'on voit encore par endroits.

C, 10325925, 9,85 $, **, $, 2007-2008.