La perspective de remplir prochainement son chariot de supermarché de viande ou de lait d'animaux clonés s'éloigne en Europe, après des réserves émises jeudi par des experts scientifiques chargés d'aiguiller Bruxelles dans ses décisions.

Le clonage pose de réels problèmes pour «la santé et le bien-être» des animaux, mais la consommation de boeuf ou de porc clonés sains ne présente pas de danger particulier, au vu des données disponibles toutefois encore peu fournies.

Ainsi a tranché jeudi l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), une organisation indépendante basée à Parme (Italie), dans un avis définitif réclamé par l'exécutif européen il y a dix-huit mois.

«Notre réaction très préliminaire à ce rapport est qu'il entraîne des préoccupations accrues à propos de la santé et du bien-être des animaux», a immédiatement commenté jeudi la Commission européenne, qui réfléchit à une éventuelle commercialisation d'aliments provenant d'animaux clonés.

Bruxelles prépare en particulier une réglementation sur «les nouveaux aliments, produits au moyen de nouvelles techniques et technologies». Faut-il y inclure un jour des aliments clonés?

Avant de prendre une position définitive sur le clonage, Bruxelles attendra encore les résultats à l'automne d'un sondage auprès des citoyens de l'UE, traditionnellement très sceptiques sur ce type de sujet.

En janvier, l'Agence américaine de réglementation des produits alimentaires (FDA) a donné un feu vert controversé à la commercialisation d'aliments clonés sur son marché.

Mais une telle décision semble désormais plus improbable dans l'UE après l'avis scientifique de jeudi. S'y ajoute l'opinion d'un comité d'éthique européen sur la science et les nouvelles technologies (EGE), qui avait évoqué en janvier «les souffrances et les problèmes de santé» des animaux.

Un point mis en avant aussi jeudi par l'EFSA. La technique utilisée pour obtenir de parfaites copies génétiques affecte la santé d'une proportion importante d'animaux (40% d'entre eux, à comparer avec 10% pour la reproduction traditionnelle).

«Elle l'est de manière sévère et parfois fatale, surtout chez les jeunes bovins et porcins de moins de six mois», a souligné à Bruxelles Vittorio Silano, qui dirige le Comité scientifique de l'EFSA.

La technique, qui implique le remplacement du noyau d'un ovule pour former un embryon ensuite implanté dans une mère de substitution, n'a pas non plus un fort taux de réussite. En moyenne 20% de ces embryons transférés débouchent sur des naissances.

Concernant la sécurité alimentaire de la viande ou du lait issus d'animaux clonés, les conclusions sont moins tranchées.

Les experts de l'EFSA ne décèlent en effet pas de risque particulier pour les boeufs et porcs clonés, ainsi que leur progéniture, par rapport à des animaux conçus de manière traditionnelle. A condition que le lait et la viande proviennent d'animaux sains. Les bovins et porcins sont les deux seules espèces considérées à ce stade.

«Nous aimerions disposer d'une base de données élargie», admet néanmoins M. Silano. «Des incertitudes sur l'analyse des risques se présentent en raison du nombre limité des études disponibles, des petits échantillons étudiés, et plus généralement de l'absence d'une approche uniforme», ajoute-t-il.

Le coût au kilo d'aliments issus directement d'animaux clonés serait exorbitant, c'est bien donc leur progéniture qui pourrait être commercialisée.

Pour le Professeur John Collins, membre de l'EFSA, «il faut étudier la descendance des animaux clonés, notamment leur système immunitaire» pour bien évaluer les risques alimentaires, «franchement, cela prendra du temps».