Parfois à la tombée de la nuit, le plus souvent en plein jour, des dizaines de personnes se réuniraient chaque année au mont Royal pour y disperser les cendres d'un être cher. Un organisme milite maintenant pour qu'une partie du parc soit officiellement consacrée à ce rituel.

Angèle Laroque a cherché près de cinq ans le moyen idéal de disposer des cendres de son mari mort prématurément. Réalisateur de films, c'était un «esprit libre», amoureux de la nature et des grands espaces. Le genre qui n'aurait pas aimé être enterré six pieds sous terre, et encore moins être confiné dans un columbarium. L'an dernier, elle a trouvé l'endroit parfait. En plein coeur de Montréal, alliant les charmes de la ville natale de son mari, mais aussi son amour pour la nature. Avec ses deux filles, elle a réuni une quarantaine d'amis pour une cérémonie «clandestine» où chacun a pu disposer d'une fraction des précieuses cendres, au pied d'un arbre, sous une roche. Où bon leur semblait dans le parc du Mont-Royal. «C'était ce que je recherchais depuis le début. Quelque chose de vraiment significatif pour moi, pour lui, et pour nos proches», dit Mme Laroque.

La dispersion des cendres n'est pas formellement interdite dans le parc urbain, mais elle n'est pas non plus encouragée, ni par la Ville, ni par les gestionnaires du cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Alain Tremblay, président de l'Écomusée de l'Au-delà, souhaite que les choses changent. Le printemps dernier, dans le cadre de la consultation publique sur l'avenir du mont Royal, il a demandé qu'un site officiel de dispersion des cendres soit créé dans le bois Saint-Jean-Baptiste. À l'instar de ce qui se fait déjà dans les cimetières de certaines villes d'Europe et du Canada, dont Toronto. «C'est un rituel de plus en plus populaire, qui répond davantage aux nouvelles valeurs de la société en permettant entre autres le retour à la nature le plus rapide possible. Mais les gens n'ont nulle part où le faire», déplore-t-il.

Les Montréalais conserveraient le plein accès au bois Saint-Jean-Baptiste. Le seul changement visible serait l'érection d'un monument où le nom des défunts, la date de leur décès et de la cérémonie pourraient être inscrits.

Le directeur général du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Yoland Tremblay, n'est pas très chaud à l'idée. «Il est difficile de vivre un deuil si l'on ne peut savoir où repose exactement l'être cher, si l'on ne peut pas se recueillir devant quelque chose de très concret, devant une pierre tombale ou une urne.» La dispersion des cendres n'est pas aussi populaire qu'on le laisse entendre, dit-il.

La Ville de Montréal indique que la demande sera étudiée comme tous les autres mémoires déposés lors de la consultation.