On dit de certains vins qu'ils ont du «style». Ou encore, plus communément, que tel ou tel vin a «un beau style».

Une image - et un exemple - valant mille mots, on peut le dire ainsi de ce joli bordeaux rouge qu'est le Premières Côtes de Blaye 2004 Château de Ségonzac, lequel possède, effectivement, un beau style, bien que l'appellation ne soit pas des plus réputées.

Mais, d'abord, qu'est-ce donc que le style pour ce qui est du vin?

La couleur des vins rouges, l'ampleur, la nature et la qualité du bouquet, le niveau de concentration de la bouche, la qualité (ou l'absence de qualité des tannins) et enfin l'équilibre de l'ensemble, c'est tout cela qui entre en ligne de compte et qui détermine le style.

Même chose pour les vins blancs, mais dans lesquels l'acidité tient le rôle que jouent les tannins dans les rouges.

Tout cela de la même façon qu'on juge un vêtement à la qualité du tissu, à la coupe, faisant que la robe ou le complet en question a du style ou pas..

D'un pourpre soutenu sans que ce soit un vin opaque, le Château de Ségonzac 2004 se présente donc avec un bouquet peu intense, retenu, mais qui ne manque pas de classe, de fruits rouges, avec des notes épicées-boisées discrètes.

Un peu plus que moyennement corsé, d'une bonne concentration, il a des tannins tendres, aimables, le tout marqué par un boisé peu appuyé, intelligent, si je puis dire. Bref, c'est un vin bien équilibré. Très bon, et... stylé.

Élaboré avec surtout du Merlot (60%) et du Cabernet Sauvignon (20%), plus du Malbec (10 %) et du Cabernet franc (5%), il est élevé plus de 12 mois en fûts, dont, selon la contre-étiquette, un tiers de fûts neufs tous les ans.

S, 10389013, 22,60 $, ***, $$ 1/2, 2007-2009

Aussi du Bordelais (ce qui facilite les comparaisons), le Bordeaux Supérieur 2003 Château D'Argadens, qui est également un fort bon vin, n'a toutefois pas la distinction du précédent.

Lui aussi bien coloré, et pourvu d'un bouquet de bonne ampleur, avec dans ce cas aussi des notes boisées-épicées, il a un peu plus de corps que le précédent, mais ses tannins ont une certaine rudesse, ce qui n'est pas du tout le cas pour le Château de Ségonzac. Impossible par conséquent de dire que ce Bordeaux Supérieur a un beau style, mais sa générosité, la qualité de son fruit plaident pour lui. Très bon à sa manière, donc.

S, 10515876, 18,35 $, ***, $$, 2007-2009

Enfin, sur l'échelle de 20 points, plus précise que celle à étoiles, j'ai noté le Château de Ségonzac 16,8 et le Château d'Argadens 16.

Ce dernier est élaboré avec à la fois du Merlot (55%) et du Cabernet Sauvignon (45%), puis élevé de 12 à 14 mois en fûts, dont 30% de fûts neufs tous les ans.

Autrement dit, tout indique que le terroir d'où provient le Premières Côtes de Blaye est supérieur. Bref, et c'est toujours ainsi, la qualité se paie...

Troisième exemple, le Bordeaux 2003 Prestige Cordier, noté celui-là 16,4.

On revient avec ce vin à quelque chose de plus distingué que le Château D'Argadens, mais en plus évolué comme le montre sa robe grenat-acajou. Le bouquet présente lui aussi des notes d'évolution, et va vers des nuances genre figues séchées, avec aussi des notes boisées empyreumatiques (genre café). Plus que moyennement corsé, ses saveurs sont nuancées, sur des tannins plutôt fermes, mais sans rudesse. Très réussi. Lui aussi, donc, a du style.

Fait avec du Merlot (80%) et du Cabernet Sauvignon (20%), c'est un vin élevé par la suite luxueusement, dans 100% de fûts neufs.

S, 10499811, 19,10 $, ***, $$ 2007-2008

D'autres vins

Quatrième exemple, le Premières Côtes de Blaye 2005 Château Cailleteau Bergeron, tout juste arrivé et qui, désormais, a rang de vedette sur notre marché.

D'une couleur violacée à peu près impénétrable, son bouquet est pour l'instant très peu intense et tout d'un bloc, mais de très bonne ampleur ainsi qu'on le détecte malgré tout, avec des arômes de fruits rouges et noirs. Suit une bouche bien charnue, passablement corsée, tannique quoique sans rugosité. Moins distingué et moins nuancé que le Château de Ségonzac, c'est néanmoins, comme on dit, un vin solide. Du sérieux.

Le Merlot domine dans ce vin (85%), auquel s'ajoutent du Cabernet Sauvignon (10%) et du Malbec (5%), et l'élevage, d'une durée de 13 mois, est fait en fûts. 16,6.

S, 919373, 19,05 $, ***, $$, 2007-2011

Autre vin de la même appellation, et du même millésime, le Premières Côtes de Blaye 2005 Château Lalande Bellevue, d'un pourpre-prune bien transparent, non boisé, simple et tout en fruit, souple, très peu tannique, et fait surtout de Merlot (85%), avec un peu de Cabernet Sauvignon (15%), n'a pas les prétentions des précédents, tout en étant moins cher. Fort correct. 14,8 sur 20.

C, 624304, 14,40 $, **, $ 1/2, 2007-2008

Sixième exemple - toujours pour le Bordelais - , le Bordeaux 2003 Merlot Montesquieu, encore plus riche en Merlot (90%), avec aussi un peu de Cabernet Sauvignon (10%), dans le style du précédent, souple et peu corsé, et, selon la fiche technique, élevé de «9 à 12 mois» en fûts, ce qui, à mon sens, ne se perçoit pas du tout. À croire qu'il s'agit de fûts usagés, qui ne communiquent pas de notes boisées au vin. Fort correct également. 14,5

C, 431437, 14,60 $, **, $ 1/2, 2007-2008

Dégustés pour vous

- Alsace 2005 Riesling Dopff & Irion. Vin blanc de Riesling au bouquet net, et dont le caractère variétal, d'abord peu appuyé, s'accentue avec l'aération. Vin sec, bien qu'il pourrait sans doute l'être davantage (il renferme 3,9 grammes de sucre résiduel par litre, les vins qui se situent sous les 4 grammes étant jugés secs), il a juste ce qu'il faut d'acidité et, comme on dit, du tonus. Très correct.

C, 210773, 16,25 $, ** 1/2, $ $, 2007-2009.

- Côtes du Rhône Villages Rasteau 2005 Château La Gardine. Vin rouge de la vallée du Rhône au bouquet exubérant, expressif, de Grenache, avec du corps, de la chair et des tannins enrobés, avec aussi, m'a-t-il semblé, un très léger arôme végétal dans l'après-goût. Néanmoins savoureux.

C, 123778, 19,80 $, ***, $ $, 2007-2008.

- Corbières 2004 Château Ollieux Romanis. Corbières de style ancien, à cause sans doute de la forte proportion de Carignan (50 %) qui entre dans l'assemblage, aux arômes de prunes rouges et noires bien mûres, avec aussi des notes comme chocolatées. Plus que moyennement corsé, charnu, un brin rustique, ses saveurs sont telles que l'annonce le bouquet.

S, 10507163, 18,40 $, ** 1/2, $ $, 2007-2008.

Pouilly-Fuissé 2004 «Classique» Château de Beauregard. Il en reste peu, sinon pas du tout, mais il faut néanmoins souligner le passage éclair de ce grand bourgogne blanc, plein d'éclat et aux arômes un brin rancio (comme on en trouve dans beaucoup de champagnes), au boisé qui se marie à la perfection à l'ensemble. Vin d'une rare distinction, harmonieux, il pourrait se mesurer à d'autres bourgognes blancs vendus trois ou quatre fois ce prix.

S, 882449, 28,65 $, ****, $ $ $ 1/2 , 2007-2010?

La recommandation de la semaine

Vin du Sud-Est espagnol, l'Alicante 2005 Laderas de El Seque, qui est élaboré avec du Monastrell (ou Mourvèdre, à 80 %), plus du Cabernet Sauvignon (10 %) et de la Syrah (10 %), ne brille pas par l'élégance, mais sa couleur profonde, son riche bouquet de fruits rouges rappelant les vins tout juste sortis de la cuve de fermentation, sa charpente, sa concentration et son ampleur en bouche, le tout sur des tannins rustiques, et... son prix, en font pourtant un vin à goûter et qui accompagnera fort bien les plats aux saveurs relevées.

À noter cependant que la distribution des 1400 caisses de ce vin ne fait que commencer. Donc... un gaillard aux larges épaules, à petit prix.

S, 10359201, 12,70 $,**, $ 1/2, 2007-2009?