Il y a 25 ou 30 ans, les amateurs de cuisine chinoise pouvaient dévorer les livres d'auteures comme Irene Kuo ou Barbara Tropp. Ces ouvrages présentaient essentiellement les plats typiques de l'ethnie largement majoritaire en Chine, les Hans.

Les Occidentaux réalisent toutefois depuis quelques années que la cuisine chinoise est infiniment plus complexe, à l'image du long parcours de la flamme olympique dans les provinces éloignées de ce qui était autrefois l'empire du Milieu.

Un couple d'auteurs explorent cette diversité depuis plusieurs années et leur sixième livre, Beyond the Great Wall, est sans doute le plus remarquable de Jeffrey Alford et Naomi Duguid.

Pour ce livre, les auteurs ont voyagé plusieurs mois dans ce qu'ils appellent «L'autre Chine», essentiellement les vastes provinces du nord et de l'ouest de la Chine, qui sont largement peuplées par les représentants des nombreuses minorités ethniques qui parlent encore leur langue et mangent leur cuisine.

Chaque page du livre témoigne de l'immensité et de la différence de cette autre Chine, que ce soit grâce aux superbes photos des habitants de tout âge, aux récits des rencontres et des expériences culinaires, ou simplement par la richesse et la variété des quelque 150 recettes proposées.

Souvent, en lisant une recette, le lecteur amateur de cuisine asiatique est amené à se dire: «C'est chinois, ça?!»

Galette frite de fromage? (Une spécialité du Tibet - où un fromage séché par l'air aride des montagnes est utilisé comme farce.) Saucisses d'agneau? (De la Mongolie.) Salade de papaye verte? (Un plat du Yunnan, dans le Sud-Ouest, où plusieurs minorités ethniques partagent des affinités culinaires avec les habitants du Laos ou du Vietnam voisins.) Brochettes d'agneau avec une marinade de grenade? (Une spécialité Ouïgour.)

En général, la simplicité est de mise dans cette cuisine variée, souvent jusqu'au minimalisme. Plusieurs recettes ne comptent que trois ou quatre ingrédients, les condiments se réduisent souvent à un peu de gingembre avec du sel ou quelques piments écrasés dans le vinaigre de riz. Et on retrouve une grande variété de salades crues, une spécialité presque inconnue dans les traditions culinaires des Hans.

Il peut être difficile de transposer ses recettes dans sa propre cuisine, mais l'expérience en vaut la peine. Essayez la recette toute simple de Salade mongolienne au boeuf (ci-dessous) et vous aurez une idée des arômes de l'autre Chine.

Le livre contient une grande quantité d'informations imbriquées dans et autour de chacune des recettes, mais aussi dans des sections indépendantes sur les ethnies, leurs cultures et les aventures vécues par les auteurs tout au long de leur périple.

Certains lecteurs seront peut-être submergés par la richesse de l'ensemble, mais il y a fort à parier qu'aucun ne fermera Beyond The Great Wall sans avoir vu sa compréhension de la Chine modifiée pour toujours.

Comme bien des choses en Chine, plusieurs des cultures décrites dans le livre sont menacées par le formidable développement économique du pays. Le témoignage de Duguid et Alford n'en est que plus précieux.