L'oenologue le plus réputé et le plus connu sur la planète est aujourd'hui, sans conteste, le bordelais Michel Rolland, 59 ans.

«J'ai deux vies, de consultant et de winemaker», disait-il y a quelques jours, à l'occasion de sa plus récente visite au Québec.

À titre de consultant, il a en fait plus de 100 clients dans le monde, dans plus d'une douzaine de pays. Aussi copropriétaire de cinq domaines dans le Bordelais, notamment du Pomerol Château Le Bon Pasteur, il possède également des intérêts dans quatre autres propriétés, dont deux en Argentine et une autre en Afrique du Sud.

Barbu, un brin rondelet, souriant, c'est néanmoins un homme dépourvu de morgue et sans prétention, mais sachant tout de même fort bien qui il est...

Or (ce que personne n'ignore dans le monde du vin), sa célébrité lui vaut d'être parfois durement critiqué. Le principal reproche qu'on lui assène est de faire des vins tous pareils, de standardiser les vins.

Qu'en est-il? Est-ce une critique justifiée?

«Ce ne sont pas des vins pour réfléchir, mais pour boire», insistait-il ce jour-là alors qu'il faisait goûter à la presse spécialisée les 11 vins des domaines dont il est copropriétaire, et qu'il vinifie lui-même.

Les 11 vins en question, qui sont distribués désormais par sa propre entreprise (www.rollandcollection.com), plutôt que par l'intermédiaire des négociants de Bordeaux, sont tous en vente au Québec depuis peu. De sorte qu'il devient possible - comme ce le fut à cette occasion - de voir par soi-même ce qu'il en est.

On peut dire, en bref, qu'il y a une signature, une patte Rolland. Tous ses vins rouges (sa grande spécialité) sont en effet richement colorés, denses en bouche, boisés mais sans excès, avec des tannins toujours tendres et bien enrobés. Et équilibrés, harmonieux, sans rien de massif ou de lourd. Et puis, tous ses vins sont élevés en fûts, dont 100% de fûts neufs dans quelques cas, notamment pour ce qui est du Château Bon Pasteur.

Malgré ces traits communs, chacun de ces vins a, selon moi, sa personnalité, si je puis dire.

Goûté en premier, le moins cher du lot, à savoir le Stellenbosch 2004 Remhoogte, d'Afrique du Sud, fait d'un assemblage de Merlot, de Cabernet Sauvignon et d'un peu de Pinotage (15 à 20% selon les millésimes), et élevé environ 14 mois en fûts d'un an, est un vin très coloré sans qu'il soit opaque, au bouquet de très bonne ampleur, de fruits rouges surtout et relevé de notes fumées prononcées, insistantes, et a tout du style de son vinificateur en bouche: charnu, velouté, très fumé, c'est un vin flatteur, quoique sans rien de trop travaillé. Très bon.

S, 10 826 981, 27,50$, *** 1/2,$$$, 2007-2009.

Du même domaine, mais supérieur au précédent, le Stellenbosch 2004 Bonne Nouvelle, élaboré avec les mêmes cépages et élevé un peu plus longtemps en fûts, laisse dans l'après-goût un peu de ces arômes très difficiles à décrire qui sont caractéristiques du Pinotage - un croisement, rappelons-le, de Cinsault et de Pinot noir qu'ont créé les Sud-Africains. Grand vin, mais vendu qu'aux deux boutiques Signature.

10 250 417, 63$, ****,$$$$ 1/2, 2007-2010.

Autre grand vin, le Mendoza 2004 Val de Flores, d'Argentine, fait avec uniquement du Malbec, quasi opaque, élevé 14 mois en fûts usagés, se présente avec un bouquet de très grand volume, profond, mûr, épicé-boisé sans excès, ce à quoi succède une bouche tout aussi imposante, dense, puissante, avec des tannins veloutés, aimables. Magnifique, et une preuve de plus du grand potentiel de l'Argentine et du Malbec.

S, 10 826 965, 66$, ****,$$$$ 1/2, 2007-2010.

Aussi d'Argentine, le Cafayate 2003 Yacochuya, tout aussi coloré et élaboré avec également du Malbec, puis élevé 18 mois en fûts de chêne neuf, ample, tannique, m'a semblé ne pas avoir tout à fait ce côté velouté et si tendre des précédents. Mais peut-être était-ce dû à l'effet cumulatif des tannins?

S, 10 826 973, 66$, *** 1/2,$$$$ 1/2, 2007-2010.

Mais pourquoi de tels prix, alors que le foncier (la terre) et la main d'oeuvre sont infiniment moins chers en Argentine que dans le Bordelais? Michel Rolland les justifie par «le coût de revient, plus élevé qu'à Bordeau»".

Trois de ses bordeaux rouges, nettement moins concentrés que les vins d'Afrique du Sud et d'Argentine, et tous trois proches par le style, discrètement chocolatés au nez (le bois), élégants, sont moins chers et m'ont semblé mériter au moins trois étoiles et demie. À savoir, le Lalande de Pomerol 2004 Château Bertineau St-Vincent (10 445 185, 38$,$$$ 1/2), le Saint-Émilion Grand cru 2004 Château Rolland-Maillet (10 445 222, 38$,$$$ 1/2), et, enfin, le Fronsac 2004 Château Fontenil (10 445 134, 46,75$,$$$$).

Enfin, le plus grand vin de la dégustation fut, à mon avis, le Pomerol 2004 Château Le Bon Pasteur, fait surtout de Merlot (80%) et de Cabernet franc (20%), et que son propriétaire élève en fûts neufs. Très coloré, son beau bouquet enchante par sa maturité, ses notes de fruits rouges avec encore là des nuances chocolatées peu appuyées. Bien en chair, mais moins concentré que ses vins du Nouveau Monde, avec du corps et des tannins onctueux, il fait montre d'une certaine austérité très bordelaise, et d'une rare distinction. (Ma plus haute note sur l'échelle de 20 points, soit 18,5 ou... 92 sur 100!)

S, 10 445 089, 89$, ****,$$$$$, 2007-2011.

«Qui gloire a, guerre a», disait Honoré de Balzac. Le mot s'applique aussi sans doute à Michel Rolland, dont les vins (il est trop modeste) font également réfléchir, ne serait-ce que sur le plaisir que doit procurer tout vin de qualité.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Vin fait surtout de Merlot (comme les bordeaux rouges de Michel Rolland !), le Vin de Pays du Torgan 2006 Merlot Carignan L'If, du Languedoc, pourpre foncé, et au bouquet de fruits rouges bien mûrs, exubérant, expressif, est un de ces vins de corps moyen, passablement charnu, légèrement tannique et avec de l'éclat, qui a de quoi accompagner de nombreux plats, et à boire celui-là sans trop se poser de questions ! Savoureux dans son genre. Notez qu'il est en promotion (14,35$ ) jusqu'au 30 septembre dans les succursales de la SAQ.

C, 10271293, 15,85 $, ** 1/2, $ 1/2, 2007-2008.

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Saint-Bris 2005 Sauvignon blanc Domaine Sorin de France. Vin de Sauvignon de Bourgogne (une rareté!), d'un jaune prononcé et dont le bouquet de fruits confits, de Sauvignon d'une grande maturité, ne peut qu'étonner. Moelleux, corsé comme vin de Sauvignon blanc, non boisé, ses saveurs sont tout aussi mûres que l'annonce le bouquet. Particulier. S, 10 237 554, 18,25$, ** 1/2,$$, 2007-2008.

Campo de Borja 2006 Borsao. Vin rouge espagnol fait surtout de Grenache (85%), mais aussi de Syrah (10%) et de Tempranillo (5%), passablement coloré, son bouquet, simple, tout en fruits rouges, comporte aussi une petite note végétale, m'a-t-il semblé. Au plus moyennement corsé, souple et velouté, un peu moins dense, de mémoire, que n'était le 2005, il aura plus d'attraits servi frais. Fort correct pour le prix. C, 10 324 623, 11,55$, **,$, 2007-2008.

Clos du Maréchal 2006 Domaine du Ridge. Rouge clair, ce vin du Québec, du cépage Maréchal Foch, se présente avec un bouquet plutôt ténu, de fruits rouges, avec aussi comme une nuance rappelant... l'odeur des grains de blé. Léger, souple, avec un peu de gaz carbonique qui en relève les saveurs, il gagnera lui aussi à être servi rafraîchi. Il est cher, toutefois. S, 10 220 373, 15,50$, * 1/2,$ 1/2, 2007.

Côtes de Bourg 2003 Château Martinat. D'une nuance pourpre-grenat et bien coloré, ce bordeaux rouge, s'affiche avec un bouquet d'assez bon volume, évoquant les vins rouges de la Loire. Plus que moyennement corsé, assez charnu, il a un bon goût de fruit et des tannins dénués de rugosité. Très bon. S, 10 389 072, 25,85$, ***,$$$, 2007-2008.