Une légende populaire veut que le mot barbecue ait été inventé par les premiers colons français débarqués en Amérique, qui dévoraient des porcs entiers «de la barbe à la queue». De la barbe au cul, quoi. À l'époque, ces cuistots devaient bien peu se soucier de la marche à suivre pour griller sans carboniser la viande, limités par des outils des plus rudimentaires. Mais aujourd'hui, le grill, la broche et le charbon attirent l'attention des grandes toques.

C'est ainsi qu'après avoir flirté pas mal du côté des dernières tendances culinaires proposant à ses lecteurs gourmands de frimer à table en servant à leurs convives des plats en verrines, puis des dîners entiers à la petite cuillère ou d'étonnantes déclinaisons de cappuccinos salés et sucrés le chef cuisinier Thomas Feller a décidé de s'attaquer à ce classique des classiques de l'été: le barbecue.

Présenté de façon impeccable, le dernier titre de cet auteur prolifique détaille 80 recettes d'une facilité et d'une rapidité d'exécution précieuses. Thomas Feller n'a besoin que de neuf mots pour livrer son secret d'un barbecue réussi: «Faites toujours mariner les aliments avant de les cuire.» C'est tout? Généralement, oui. Avec Feller, le dépouillement est roi. L'été, le grillardin a l'esprit léger, pas à s'éterniser dans une cuisine à suivre des préparations fastidieuses.

Dans ce livre aux allures de carton d'allumettes, les recettes tiennent sur quelques lignes. Des viandes et des poissons grillés pour la plupart, dont les marinades ne comptent pas plus d'une poignée d'ingrédients. Mieux, elles ne nécessitent jamais plus de deux heures de repos, même si, avoue Thomas Feller, laisser reposer toute une nuit, c'est encore ce qu'il y a de meilleur.

Plusieurs mets sont d'inspiration méditerranéenne et asiatique comme le thon grillé à la tahitienne avec son condiment au lait de coco ou encore le canard laqué à la broche. Mais les racines françaises du chef transpirent dans ses concoctions fromagées. Au lieu de conclure le repas d'un classique fromage-baguette, pourquoi ne pas l'envelopper dans une papillote avant de l'enfourner sous la cendre? Résultat: un camembert à la braise qui se déguste coulant, à la petite cuillère. Pour une version plus relevée: un chèvre sec au romarin, enroulé de poitrine de porc grillée, et saupoudré de poivre et d'huile d'olive. «Il faut penser au barbecue comme un instrument de cuisine et non pas

comme un simple grill à saucisses, dit Feller. On peut y cuire tous les produits bruts: des oeufs, des légumes, des fruits, des coquillages...» Les oignons se rôtissent directement sur la grille, à peine badigeonnés d'un peu d'huile d'olive. Quand leur peau noircit légèrement au bout d'une quinzaine de minutes, l'intérieur en est fondant. Presque confit.

L'été, les fruits sont gorgés de soleil et tout naturellement très sucrés et c'est le temps d'en profiter dans leur plus simple appareil. Les abricots sont cuits à la broche et les poires braisées avec un peu de vanille et de cannelle. Il suffisait d'y penser. L'effet est garanti. «Le barbecue, assure Thomas Feller, ce n'est pas le retour à l'âge de pierre culinaire.» Oui, si la légende dit vrai, 400 ans après y avoir goûté en Amérique, les Français se sont bien approprié le barbecue.

Barbecue, 80 recettes et accompagnements, Éditions Hachette Pratique 2008, 160 pages.